Lors de la dernière séance de dialogue Hezbollah-courant du Futur, la délégation du Futur a évoqué la question du compromis autour de la candidature de Sleiman Frangié à la présidence de la République. Cependant, les représentants du Hezbollah ont préféré conserver leur mutisme et ne pas entrer dans le débat, en l’absence de positions officielles tant sur le plan local qu’extérieur concernant le compromis. Avant la réunion, le conseiller du secrétaire général du Hezbollah, Hussein Khalil, avait demandé au conseiller de Saad Hariri, Nader Hariri, une annonce officielle et solennelle par le chef du Futur de la candidature de M. Frangié, qui servirait de base à la position du parti chiite. Nader Hariri, lui, avait demandé au parti de prendre position sur le compromis, arguant du fait que la dynamique bénéficiait désormais d’un parrainage régional. Le Futur a été stupéfait par la réaction du Hezbollah au sujet du compromis, qui a accueilli l’initiative comme si Sleiman Frangié était membre du 14 Mars, pas du 8 Mars, et qu’il ne faisait pas partie des quatre candidats maronites « forts »… Or, en proposant la candidature de Sleiman Frangié, le Futur estimait qu’il avait fait un sacrifice, en réclamant un candidat de compromis plutôt qu’un candidat de consensus. Pour le courant haririen, le Hezbollah ne pouvait que saisir la balle au bond.
Selon une source qui suit de près les tractations, le compromis s’est fondé sur l’accord conclu entre les quatre chefs maronites qui s’étaient réunis à Bkerké, sous l’égide du patriarche Raï, pour s’entendre sur la nécessité d’assurer l’avènement de l’un d’eux à la présidence. Or, comme ni Amine Gemayel ni Michel Aoun n’ont pu assurer une couverture à leur élection, et que Samir Geagea a échoué à convaincre les composantes du 8 Mars de l’élire, les artisans du compromis se sont reportés sur Sleiman Frangié, le quatrième pôle, en dépit du fait que ce dernier ait annoncé à maintes reprises son soutien à M. Aoun en tant que candidat du 8 Mars. Un ministre affirme ainsi que s’il est normal que le tandem Forces libanaises-Kataëb s’oppose au choix de M. Frangié, le silence du Hezbollah et l’opposition de M. Aoun à cette candidature sont incompréhensibles.
(Lire aussi : Pour les Kataëb, un candidat se choisit sur base d’un programme)Jusqu’où, justement, peut aller cette opposition, notamment de la part de Samir Geagea ?
Le candidat officiel du 14 Mars entendrait maintenir sa candidature en attendant les développements. Selon des sources proches de Maarab, M. Geagea entend camper sur ses positions en tant que pôle du 14 Mars et refuse d’abandonner les principes et le projet du mouvement souverainiste transcommunautaire. D’autant que, lorsqu’il s’était porté candidat, le président des FL avait précisé qu’il retirerait sa candidature en faveur d’un président qui adopterait son projet politique. Même si la dynamique de compromis a quelque peu disloqué le 14 et le 8 Mars, les forces fidèles à la révolution du Cèdre entendent assurer un minimum vital de cohésion en raison du projet qui les unit. Sur le plan chrétien, la candidature-choc de Sleiman Frangié a encore plus rapproché les trois autres pôles maronites, mais leurs ego respectifs et leurs revendications isolées les empêcheraient de former un front tripartite uni, voire même une alliance en vue de la présidentielle, même si des sources proches du leader des FL indiquent qu’il caresse l’idée, s’il est acculé au pied du mur, d’opter en faveur de la candidature de Michel Aoun, uniquement pour faire front au retour du vieux système sécuritaire à la solde du régime syrien qui ressusciterait avec le mandat Frangié. Car l’espoir de convaincre M. Aoun de se désister au profit d’un candidat tiers de compromis est devenu presque impossible maintenant que Saad Hariri a nommé Sleiman Frangié.
(Lire aussi : Geagea : Le 14 Mars reflète une vision du Liban à laquelle une majorité est attachée)À défaut d’une chute du compromis, c’est d’une période de grâce qu’il est donc question au cours des prochains jours, durant laquelle les contacts seront poursuivis et intensifiés, notamment par les partis chrétiens, pour réévaluer la situation et déterminer leurs positions. Il en est ainsi pour Samir Geagea et Samy Gemayel, qui cherchent des réponses à leurs questions, notamment sur les garanties dont le projet souverainiste disposera en cas d’arrivée au pouvoir d’un allié de Bachar el-Assad et du Hezbollah. Mais le même cas de figure se pose aussi pour Michel Aoun, qui attend des réponses du parti chiite avant sa rencontre avec Sleiman Frangié. Le chef du bloc du Changement serait toujours aussi déterminé à maintenir sa candidature sur base de la position du Hezbollah, qui ne lui a jusqu’à présent pas demandé de se retirer de la course.
Des développements extérieurs viendront-ils, dans les prochains jours, à bout du veto chrétien à la candidature de Sleiman Frangié ? Et, surtout, le Hezbollah sortira-t-il de son mutisme, qui constitue encore la clef des espoirs aounistes et l’obstacle majeur qui empêche la dynamique d’aller de l’avant ?