Israël assène des coups tous azimuts à l’Iran en vertu d’une « nouvelle stratégie » annoncée par Naftali Bennett, le premier ministre. En moins de deux mois, cinq responsables iraniens ont été tués dans des conditions mystérieuses. Sur le front diplomatique, Naftali Bennett s’est précipité jeudi à Abu Dhabi, un nouvel allié de l’État hébreu lui aussi inquiet de la menace iranienne. Cette visite a eu lieu quelques heures après l’adoption d’une résolution de l’Agence internationale de l’énergie atomique à Vienne critiquant le « manque de coopération » de l’Iran en ce qui concerne le contrôle de ses installations nucléaires.
Dans ce climat de tension extrême, les autorités israéliennes ont pressé leurs ressortissants de faire preuve de la plus grande vigilance et d’éviter de se rendre en Turquie ou en Thaïlande, par crainte d’attentats iraniens en représailles à des assassinats attribués à Israël. Cet appel n’a pas été vraiment entendu par les touristes, qui passent outre bien que le bureau du premier ministre insiste sur l’existence d’un danger réel et immédiat. Les Iraniens ont effectivement des raisons de vouloir se venger à la suite d’une véritable série noire.
Drone suicide
En avril, un responsable des gardiens de la révolution, Mansour Rasouli, a été enlevé, selon les médias israéliens, à Téhéran et interrogé par des agents du Mossad avant d’être libéré. Il aurait notamment révélé des projets d’assassinats d’un diplomate israélien en Turquie, d’un général allemand en Allemagne et d’un journaliste français, dont le nom n’a pas été divulgué. Un communiqué du premier ministre israélien, sans entrer dans les détails ni revendiquer directement l’opération, a confirmé la mise en échec de ces trois projets.
Peu après, le 22 mai, Hassan Sayad Khodayari, présenté comme un des cadres de l’unité 840 des gardiens de la révolution, chargée des « opérations à l’étranger », notamment des attentats contre des objectifs israéliens, juifs, occidentaux ou des opposants au régime – a été abattu à bord de sa voiture par deux hommes à moto à Téhéran. Peu après, un autre membre de cette même unité Ali Esmaelzadeh, un colonel s’est « suicidé », selon la version officielle iranienne, en se jetant d’un balcon. Mais selon des services de renseignements cités par des médias du Golfe, il aurait été éliminé par d’anciens collègues qui l’accusaient d’être une taupe israélienne.
Un ingénieur a, pour sa part trouvé la mort lors de l’explosion d’un drone suicide dans un site militaire près de Téhéran. Enfin, un expert en matière de drones et de missiles, Ayoob Entezari, est mort empoisonné le 31 mai tandis que l’hôte qui l’avait invité prenait la fuite.
Tentacules du terrorisme
Dans le passé, Israël a déjà eu recours à plusieurs reprises à des « éliminations ciblées » notamment contre Mohsen Fakhrizadeh, considéré comme le « père » du programme nucléaire, abattu dans sa voiture. L’opération a été attribuée au Mossad, qui ne revendique jamais ses actions.
Parallèlement, l’armée israélienne a accéléré ses préparatifs et multiplié les exercices d’entraînement y compris à Chypre. Objectif : se préparer ou, du moins, donner l’impression d’être fin prête à lancer des attaques contre des cibles nucléaires iraniennes. L’aviation a ainsi fait savoir qu’elle dispose désormais d’une nouvelle bombe plus compacte installée à bord des avions furtifs F-35 et non plus à l’extérieur, ce qui rendait ces appareils plus repérables par les radars. Cette innovation permet également de réduire le poids des bombes et de ne plus avoir à procéder à un ravitaillement en vol pour atteindre le territoire iranien.
« Israël opère désormais contre les nombreux tentacules du terrorisme iranien, et plus seulement comme nous le faisions ces dernières décennies. Nous agissons partout, à tout moment et nous continuerons à le faire » a prévenu Naftali Bennett.
Le premier ministre a adopté un ton d’autant plus martial que son maintien au pouvoir est sérieusement menacé avec une coalition gouvernementale au bord de l’effondrement. Empêcher par tous les moyens l’Iran de se doter de l’arme nucléaire constitue un des rares objectifs de consensus pour la classe politique israélienne. Seules quelques voix, notamment dans le Haaretz, un quotidien d’opposition de gauche, mettent en garde contre toute illusion concernant les capacités d’Israël, quels que soient les moyens employés, de contraindre l’Iran à renoncer à ses ambitions nucléaires.