L’ÉCLAIRAGE
Comme l’ensemble de la communauté internationale, le Liban retient son souffle en attendant ce que l’Occident en général et les USA en particulier vont décider à propos d’éventuelles frappes contre la Syrie, en réaction à l’utilisation d’armes chimiques dans la guerre entre les forces du régime Assad et l’opposition. Ainsi, un coup de frein a été tout d’abord donné aux tractations engagées pour la formation d’un nouveau gouvernement.
Entre-temps, les deux parties adverses se perdent en conjectures au sujet de l’attaque envisagée et de son impact sur le Liban et l’ensemble de la région. De source diplomatique occidentale à Beyrouth, on s’étonne des informations que le camp du 8 Mars fait circuler au sujet d’un « report ou d’un retard de l’opération militaire ». « Ni les États-Unis ni aucun autre pays n’ont donné de date à une intervention en Syrie pour qu’on puisse parler de report ou de retard », a-t-on indiqué de même source, en assurant que les frappes auront sûrement lieu.
Du côté du 14 Mars, on explique l’attitude du camp adverse par le fait que « toutes ses composantes sont plongées dans une sorte d’inquiétude et de confusion du fait de ce qui pourrait se passer en Syrie, d’autant plus que les positions de la Russie et de la Chine ne les rassurent guère ». Le 8 Mars, ajoutent les 14-marsistes, considère que ces deux pays ne sont pas à la hauteur de l’événement qui risque de se produire. Il fonde son analyse, ajoute-t-on de mêmes sources, sur les veto russe et chinois en Conseil de sécurité et sur l’insistance des deux États à ce que les frappes s’effectuent sur base d’une résolution de cette instance et non pas à travers les forces de l’OTAN. Il la fonde également sur la position de l’Iran qui rejette toute attaque contre son allié syrien et considère que ces données ont poussé l’Occident, notamment les États-Unis, à freiner son initiative.
Quoi qu’il en soit, suivant l’analyse du 8 Mars, Téhéran ne permettra pas à l’Occident de prendre pour cible la Syrie et ne restera sûrement pas les bras croisés en cas de frappe. Dans ce cas, le Hezbollah non plus ne gardera pas les bras croisés, indique-t-on de même source, sans donner davantage de précisions sur la forme que prendra une éventuelle réaction du Hezb, mais en assurant qu’au cas où la Syrie serait bombardée, c’est toute la région qui sautera. Selon ces sources, on indique également que des frappes contre le pays voisin auront des répercussions sur la scène locale. Il s’agit surtout d’un impact politique lié à la formation du gouvernement : le 8 Mars, indiquent ces sources, lèvera davantage le seuil de ses revendications dans le cadre de son insistance à participer au gouvernement de Tammam Salam.
Les sphères du 8 Mars accusent principalement l’Arabie saoudite d’être l’instigatrice de frappes contre la Syrie et lient ainsi l’escalade occidentale contre Damas à la visite de l’émir Bandar ben Sultan, chef du service saoudien des renseignements, en Russie, où il avait été reçu par le président Vladimir Poutine, après deux visites effectuées à Paris et à Washington. Dans ces mêmes milieux, on estime que le royaume wahhabite met tout son poids dans la balance pour essayer de se débarrasser du régime de Bachar el-Assad. On établit également une liaison entre ce forcing saoudien et le retour de l’ambassadeur Ali Awad Assiri hier à Beyrouth ainsi que l’arrivée, jeudi soir, du nouvel ambassadeur américain, David Hale, dans la capitale libanaise. Le diplomate était attendu le 4 septembre à Beyrouth, mais il a préféré avancer la date de son arrivée afin de suivre de près les développements qui risquent de se produire dans la région.
Cette analyse des faits est considérée comme étant exagérée par le 14 Mars qui situe les positions du camp opposé dans le cadre des tentatives d’intimidation. Pour ces forces, il ne fait pas de doute que les frappes occidentales contre la Syrie seront ponctuelles et limitées avec pour objectif principal d’encercler le régime et de le contraindre, avec les différentes composantes de l’opposition, à s’engager dans un nouveau round de négociations à Genève. Dans ces milieux, on insiste sur le fait que l’Occident n’œuvre pas pour la chute du régime en Syrie et on exclut dans le même temps d’éventuelles réactions militaires à des frappes, surtout que la Russie et l’Iran sont favorables à la tenue d’un Genève 2. Téhéran a même préparé une sorte de feuille de route en six points, saluée par le secrétaire général adjoint de l’ONU, Jeffrey Feltman, qui était récemment en Iran et qui avait rendu hommage à la position de ce pays par rapport à Genève 2. Le 14 Mars, souligne-t-on dans ces milieux, ne pense pas que la Russie et l’Iran souhaitent se placer dans une situation de confrontation avec l’Occident, d’autant que les deux pays ont dénoncé le recours à l’arme chimique dans la guerre en Syrie. Ces milieux ne pensent pas non plus que le Hezbollah ripostera à une éventuelle intervention militaire ou lèvera le seuil de ses revendications politiques.
En tout état de cause, un ancien ministre s’attend à un changement de taille qui affectera positivement le Liban après les frappes. L’un de ces avantages est de permettre peut-être au Premier ministre désigné, Tammam Salam, de former son équipe suivant les critères qu’il s’était fixés. Le sommet russo-américain de Saint-Pétersbourg de samedi, la prise de langue entre les présidents russe et iranien et entre Vladimir Poutine et Angela Merkel ainsi que l’intensification des contacts entre les pays de l’Union européenne sont considérés comme des préparatifs pour l’après-frappes.