DROITS DES CHRETIENS : Mode d’emploi

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 L’ex-Général Michel Aoun en a fait son fonds de commerce. A tout bout de champ, il lance à la meute qui l’applaudit ce slogan : « Nos droits », étant entendu que le président perpétuel du Courant Patriotique Libre, ou Mouvement Orange, se présente comme le porte-voix ou l’ambassadeur plénipotentiaire d’un groupe appelé « chrétiens ». Une telle prétention pourrait faire sourire tant ce slogan est vide de toute substance.

En effet, qu’est-ce que c’est que ce groupe « chrétien » dont Michel Aoun serait la
substantifique moelle ? Est-ce une assemblée ecclésiale avec à sa tête Michel Aoun en pape, patriarche, catholicos, ou mafriyan ? Est-ce une juridiction particulière comme ces new-born du protestantisme évangélique qui se donnent à eux-même le titre de chrétiens et donnent à tous les autres disciples de Jésus-Christ des titres bariolés : papistes, orthodoxes etc.

Etre chrétien, sur le registre spirituel, est une affaire privée qui consiste à être disciple de ce Jésus de Nazareth qui n’a laissé d’autres instructions aux siens que : « Aimez-vous les uns les autres. Aimez vos ennemis ». Le chrétien, le vrai, n’a pas d’autre devoir. Il n’a pas de droits spécifiques autres que les droits fondamentaux de tout homme et de tout citoyen.Quant aux groupes sociaux, organisés en catégories administratives depuis le Firman Ottoman des Islahat de 1856 qui a conféré la personnalité morale de droit public à chacune des juridictions confessionnelles non-musulmanes. Ces dernières ne forment aucun ensemble homogène. L’administration ottomane, puis libanaise, ne reconnaissent que des « maronites, roum-orthodoxes, roum-catholiques, syriaques orthodoxes etc. ». Au sein de cette mosaïque, il n’y a pas de « chrétiens » en tant que tels, mais des sectes diverses qui se répartissent la parcelle de pouvoir qui est la leur en autant de petits morceaux au prorata de leur supposé poids démographique. Elles sont, par nature, les rivales les unes des autres en matière de pouvoir.Au sein de ces groupes, oui les droits des chrétiens (virtuels) sont spoliés puisque le groupe maronite exerce une sorte de préséance ou d’hégémonie sur tous les autres. Ainsi, les fameux « droits des chrétiens » agités par le mouvement orange sont, en réalité, des privilèges maronites. Et encore, au sein de la catégorie maronite, les mêmes privilèges consistent à faire en sorte qu’un clan ou une famille féodale exerce une hégémonie incontestable. Bref, dans ce travail forcené de dissection, on résume le peuple chrétien à une de ses composantes, puis cette même composante est réduite à un de ses clans, et enfin ce dernier est réduit à un seul parti et ce parti à un seul homme. Ainsi, en parlant de cet individu autoproclamé, on a l’impression délirante qu’on parle du corps constitué qu’on vient de disséquer et qu’on appelle « chrétiens ». C’est ainsi que les tribus barbares se comportent. C’est ainsi que se dévoile l’imposture du communautarisme libanais dans sa composante chrétienne.image-1

Quand on voit l’état pitoyable de la situation actuelle, on ne peut pas accepter de voir, dans les partisans du Général Aoun, un témoignage de ce que recommandait Jésus de Nazareth lui-même : « afin que le monde sache que vous êtes mes disciples ».

Il est temps de dénoncer les choses clairement et de refuser de se voir associés à une telle imposture. Les manifestants aounistes n’étaient pas très nombreux hier mais certains de leurs calicots étaient très graves. Nous avons vu des slogans qui, en d’autres temps, auraient mobilisé le ministère public et déféré leurs auteurs devant la justice tant leur contenu relevait de la déstabilisation de la paix civile, de l’incitation à la haine, d’atteinte à l’essence même du vivre-ensemble libanais.

Ces partisans aounistes, qui se disent pathétiquement chrétiens, se sont révélés n’être qu’un peloton de haine antisunnite, car c’est le sunnite et lui seul qui constitue leur tête de turc. En réalité, cette haine primaire, nauséabonde, ils ne l’expriment pas au nom de l’Eglise de Jésus-Christ, mais en tant que porte-voix de leur allié et maître Hassan Nasrallah. Ce dernier, en tant que chiite, a eu l’intelligence de transférer la haine de son ennemi sunnite de toujours sur ces minoritaires inconsistants atteints par la maladie identitaire. Quant à lui, il se réserve le beau rôle de dénoncer en permanence la discorde ou fitna.

Aujourd’hui, en ce règne des ténèbres, il n’y nul place pour la lumière de la parole de vérité chez ces chrétiens. Ils ont accepté de servir de marchepied et d’escabeau à un antisunnisme qui n’est même pas le leur mais celui d’un groupe armé islamiste chiite. Ils ont acquis la conviction délirante que grâce à lui, ils peuvent faire renaître l’époque du maronitisme politique de jadis.

acourban@gmail.com

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