L’ÉCLAIRAGE On s’interroge dans certains milieux politiques sur l’insistance du Hezbollah à vouloir se dérober à tout prix à son engagement à l’égard de la déclaration de Baabda, adoptée à l’unanimité des participants au dialogue sous l’égide du président de la République, Michel Sleiman, en juin 2012.
Cette interrogation survient à la suite de la riposte quasi instantanée du chef du bloc du Hezbollah, Mohammad Raad, aux propos tenus par le chef de l’État lors du colloque tenu samedi au Phoenicia autour de la déclaration de Baabda.
M. Sleiman avait à cette occasion explicité une fois de plus la genèse de ce document, qui prévoit notamment la « neutralisation » du Liban face aux conflits régionaux et internationaux et à la politique des axes, et comment toutes les parties prenantes au dialogue, y compris le Hezbollah, y ont adhéré.
Or l’ensemble de la classe politique était représenté lors du colloque, y compris le mouvement Amal de Nabih Berry et le bloc aouniste. Seul le Hezbollah s’en est absenté. Quant à M. Raad, il s’est efforcé, lors d’une cérémonie au Liban-Sud, de rejeter la responsabilité de l’échec de la déclaration de Baabda sur le 14 Mars.
« Avec tout notre respect pour les motivations nobles qui ont poussé la majorité des membres du comité de dialogue à adopter (la déclaration de Baabda) ainsi que pour celles du président Sleiman, il convient cependant de noter que le texte est devenu lettre morte avant même d’être publié par dans la presse, parce que le 14 Mars l’a renié et continue de le renier », a ainsi affirmé le député du Hezbollah.
Mais un membre du comité de dialogue s’est demandé pourquoi le parti de Dieu s’est abstenu lui-même de rejeter explicitement la déclaration de Baabda et de clarifier sa position au moment de la publication du texte ou, du moins, quelque temps plus tard. Pourquoi a-t-il insisté à se dérober à son engagement à cet égard jusqu’à l’annonce par son secrétaire général de la participation du Hezb aux combats en Syrie aux côtés du régime, au printemps dernier ?
Dans les milieux du 14 Mars, on se gausse de « l’imprécision » des propos de M. Raad. Non seulement les composantes de l’alliance répètent tous les jours qu’elles sont attachées à la déclaration de Baabda, mais en plus elles réclament que ce document soit au cœur de la déclaration ministérielle du gouvernement de Tammam Salam, souligne-t-on dans ces milieux.
Un député du bloc du Futur fait valoir que depuis la publication de la déclaration de Baabda, personne au sein du 14 Mars n’a jamais émis un avis contraire à la teneur de ce texte, au point que même le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, qui boycottait en juin 2012 les séances du dialogue national, a annoncé son ralliement à la déclaration.
En tout état de cause, poursuit ce député, pourquoi le Hezbollah cherche-t-il à justifier son propre reniement par celui qu’il attribue au 14 Mars ? S’il est lui-même convaincu de la pertinence de la déclaration et s’il la soutient, qu’il la défende et réaffirme son engagement à son égard au lieu de lier sa position à celle du 14 Mars.
Mais le député va plus loin encore en posant l’équation suivante : du moment que le Hezb tient à maintenir ses combattants en Syrie pour des raisons stratégiques et qu’il refuse tout marché entre ce qu’il considère comme une question stratégique et quelques portefeuilles ministériels, alors pourquoi ne laisserait-il pas le Premier ministre désigné former un gouvernement neutre ne comprenant ni le Hezbollah ni le Futur ? Pourquoi toute cette insistance pour un cabinet selon ses conditions ?
À ces interrogations, des sources du 8 Mars répondent qu’il ne saurait être question pour ce camp d’accepter de sortir du pouvoir parce que dans ce cas, le 14 Mars le monopoliserait. Et alors ? réplique-t-on en face. Le Hezbollah est en mesure de faire sauter toutes les décisions qui ne lui plaisent pas. C’est bien ce qu’il a fait le 7 mai 2008.
Pour un diplomate occidental, le véritable enjeu n’est pas dans la formation du gouvernement libanais. Il réside actuellement dans la concrétisation des développements importants survenus ces dernières semaines sur le plan régional. En attendant cette concrétisation, qui pourrait avoir des répercussions positives, certains acteurs, en particulier le régime syrien et l’axe qui le soutient, exploitent le Liban comme carte de pression pour affermir leur position. Ils cherchent donc à y perpétuer le vide institutionnel car cela sert leurs intérêts.