Les Libanais peuvent l’adorer ou le haïr, mais ils ne peuvent pas l’ignorer. D’un côté, il y a les centaines de milliers de partisans qui lui vouent un culte quasi-fantasmatique, de l’autre, il y a les farouches adversaires qui se comptent aussi par centaines de milliers et qui voient en lui une véritable malédiction qui frappe leur pays. Il est de bon ton de rajouter les « indifférents » ou qui feignent de l’être, mais en réalité, ils n’existent pas.
Tous, sans exception, sont obligés de guetter ses apparitions télévisuelles (un rituel désormais bien rôdé) ou de décortiquer ses déclarations pour savoir ce que leur cache l’avenir. Même le ton de ses discours est important. A-t-il était calme ? Était-il souriant ou bien, comme souvent, s’était-il égosillé en menaçant de son doigt inquisiteur ? Chaque détail compte. Hassan Nasrallah trace le cours des évènements et en fixe le tempo. Ses apparitions virtuelles répétées conduisent inévitablement le spectateur à faire le rapprochement et à relever la flagrante ressemblance qui existe entre lui et Big Brother, personnage central de « 1984 », le chef d’œuvre de George Orwell.
L’écrivain britannique est passé à la postérité pour avoir créé la représentation métaphorique par excellence d’un régime policier et totalitaire. L’univers qu’il décrit ressemble à s’y méprendre à celui du parti khomeyniste libanais. La similitude est telle, qu’il est possible de réécrire son roman presque sans distorsion et moyennant quelques simples transpositions. En voici quelques exemples frappants:
Big Brother: Hassan Nasrallah
Inner Party (Parti de l’Intérieur): Hezbollah
Outer Party (Parti de l’Extérieur): Communauté chiite
Proles: Autres communautés libanaises
Newspeak (Novlangue) : Dans le cas qui nous concerne, cette langue est formée à partir d’assemblages de mots extraits des discours de Hassan Nasrallah. Son vocabulaire est forcément réduit. Rappelons que le nombre de mots en novlangue diminue sans arrêt.
Thought Police (Police de la Pensée): Ali Ammar, Nawaf Moussawi, Naïm Kassem, Hassan Fadlallah, Mohamad Raad, …
Oceania: Libania, Le Liban totalitaire de demain tel qu’il est en train d’être construit par le parti khomeyniste.
La liste qui précède n’est pas exhaustive, mais il n’est pas difficile de la prolonger et d’y inclure les principaux thèmes et personnages de « 1984 ».
Comme dans le roman, le parti khomeyniste essaie de faire accepter sa propre vérité historique comme étant l’histoire réelle de la communauté chiite; il pratique la désinformation et le lavage de cerveau pour asseoir son système de pensée. Ses adversaires sont forcément des traîtres ou des espions. C’est le principe de la « mutabilité ». Hassan Nasrallah, le chef suprême et adulé du Parti, a depuis longtemps fait siens les célèbres slogans de Big Brother dont les plus célèbres: « la guerre c’est la paix », « la liberté c’est l’esclavage » et « l’ignorance c’est la force ».
Les télécrans (telescreens dans le roman) mis à sa disposition lui permettent de suivre la réaction des foules et d’ajuster ses discours en conséquence. Au domicile et sur les lieux de travail des membres de son parti ainsi que dans les lieux publics d’autres télécrans diffusent en permanence ses discours.
Il est vrai que ces télécrans ne peuvent pas encore surveiller les faits et gestes des Libanais chez eux. Gageons que les experts en fibre optique du Hezbollah sauront un jour combler cette lacune !