Par Louis Imbert (Téhéran, envoyé spécial)
Il est le symbole du revers subi par les réformateurs, proches du président iranien, Hassan Rohani. Mardi 10 février, Hassan Khomeyni, petit-fils du fondateur de la République islamique, Rouhollah Khomeyni, a vu sa candidature officiellement rejetée par les autorités chargées de désigner les postulants à l’élection de l’Assemblée des experts, un organe-clé du régime iranien, prévue le 26. Ce clerc de 43 ans, qui gère le mausolée de son grand-père dans la banlieue de Téhéran et le premier des descendants du Guide à se présenter à une élection, « n’a pas suffisamment de connaissances religieuses », ont estimé les douze « gardiens » en charge de ce tri. Seules 110 candidatures sur 800 ont été acceptées.
Hassan Khomeyni est un « mojtahed » parmi plusieurs milliers : un professeur de droit islamique reconnu à Qom, capitale du clergé chiite iranien, où son nom circule, parmi d’autres, comme possible successeur du Guide suprême, Ali Khamenei. Ce dernier est âgé de 76 ans et la prochaine Assemblée des experts, un conseil de 88 religieux, pourrait bien être chargée de nommerson successeur.
Invalidations
Pour ses partisans, M. Khomeyni paie son soutien au courant réformateur. Il a également défendu la libération de ses deux dirigeants, Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi, en résidence surveillée depuis la vague de répression qui a suivi la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence, en juin 2009.
Le camp réformateur a également subi une défaite en vue des élections législatives, qui se dérouleront aussi le 26 février. A peine 1 % de ses candidats réformistes ont été validés en janvier, selon le groupe. Ces invalidations avaient été vivement critiquées par le président Rohani. Samedi, quelque 1 500 candidats, sur un total de 12 000, toutes tendances politiques confondues, ont été repêchés : des réformateurs figurent parmi eux, mais les principales figures et l’essentiel du mouvement demeurent bannis du champ politique.
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Ses dirigeants n’ont cependant d’autre choix que d’appeler les électeurs à voter, malgré tout, dans deux semaines. L’ex-président Mohammad Khatami, figure de proue du mouvement, que la presse a désormais interdiction de citer, a estimé qu’il demeurait « une lueur d’espoir » dans les listes constituées par des réformateurs et des candidats centristes, partisans de M. Rohani. Il voyait dans cette élection « un moyen de rassembler les gens et d’en finir avec l’atmosphère sécuritaire et pessimiste » actuelle.
Retour à l’ordre
Il s’agit pour les réformateurs de participer, au moins symboliquement, à une forme de retour à la normale qu’incarne la présidence d’Hassan Rohani. Ces législatives, d’importance limitée – la Chambre est essentiellement dotée d’un pouvoir de blocage et les parlementaires sont élus sur des enjeux locaux –, marquent cependant une recomposition du système politique iranien, qui tente de rejeter ses extrêmes des deux bords après huit années de présidence ultraconservatrice de M. Ahmadinejad.
Les nationalistes et les révolutionnaires les plus bruyants, partisans de la confrontation avec l’Occident sur le dossier nucléaire et d’une économie étatique dégagée des influences étrangères, ont rompu cette semaine avec le leadership traditionnel du camp conservateur. Ils accusent le président conservateur du Parlement, Ali Larijani, de suivre servilement le président Rohani depuis deux ans. « Dans de nombreuses villes, il n’y a plus ou peu de candidats réformateurs : les conservateurs ont le champ libre et se battent désormais entre eux », estime Maziar Khosravi, chef du service politique du quotidien réformateur Shargh.
Les conservateurs ayant rejoint le vaste champ de la « modération » estiment, pour leur part, qu’il faut influer sur l’ouverture économique engagée par M. Rohani, à la suite de la levée de l’essentiel des sanctions économiques internationales adoptées pendant dix ans par l’Occident. Ils chercheront à limiter les avancées sur le plan des libertés individuelles, à orienter et à cloisonner les investissements étrangers. « Nous verrons si les électeurs sont capables de nous suivre dans le rejet du radicalisme », estime Amir Mohebbian, un conseiller de M. Larijani, un ancien « ultra » désormais assagi.