Comme par magie, un gouvernement libanais est né. Est-il crédible? Inspire-t-il confiance ? Il est permis d’en douter.
Certes, il fait la part belle à la femme libanaise puisque six ministres sur vingt appartiennent au sexe prétendu faible. Il comporte par ailleurs plusieurs figures au curriculum vitae irréprochable et/ou dont la notoriété les prémunit contre l’accusation de cette corruption dont l’ampleur inouïe révèle sa puanteur à l’opinion publique nationale et internationale. On l’a récemment vu et entendu à Davos.
Ces quelques figures compétentes et intègres au sein de cette équipe suffisent-elles à inspirer confiance dans ce gouvernement en tant que tel et à lui conférer une respectabilité quelconque ? Non, car il n’en a pas. Ce gouvernement n’est qu’une copie, à peine édulcorée, de ses prédécesseurs que la population rejette de toutes ses forces de même qu’elle rejette toute la classe politique. On souhaite à certains ministres, qui servent de voile pudique à ce gouvernement, de ne pas connaître le désenchantement qui ferait courir un discrédit à leur image de marque.
Ce gouvernement est d’une seule couleur ? Rien n’est plus normal car cela permet de sortir du mensonge des gouvernements d’union nationale dont on fait la propagande depuis le mandat de sinistre mémoire d’Émile Lahoud, qui incarnait la mainmise totale de l’occupant syrien. Avec une savante perversion, le régime de Damas protégeait la corruption de la classe politique à son service ou qui savait ménager la voracité de ses ambitions.
L’actuel gouvernement, fruit du partenariat maronito-chiite CPL-Hezbollah-Amal et de leurs alliés, est celui d’un Liban en tous points semblable à celui d’Émile Lahoud car il incarne l’esprit même de l’accord de Mar Mikhaël conclu entre Michel Aoun et Hassan Nasrallah à l’avantage de l’axe Téhéran-Damas, grâce notamment à la déstabilisation de l’équilibre paritaire né des accords de Taëf (1989). Le processus de la nomination de Hassane Diab et de la genèse de son équipe consolide cette impression de la suprématie d’un partenariat chiito-maronite stratégiquement aligné sur l’Iran, ce qui est une négation même du Liban de 1943, vivant en bonne intelligence au sein du monde arabe et non aligné stratégiquement. Il suffit de se rappeler qu’au lendemain du scrutin législatif de 2018, le général iranien Kassem Soleimani, récemment assassiné, déclarait que son pays disposait dorénavant au Parlement libanais de 74 députés. On nous dit qu’aujourd’hui ils ne seraient plus que 69 ou 67. Curieusement, on nous dit aussi que cette équipe est là pour satisfaire les revendications populaires du mouvement du 17 octobre. On met en avant la détermination de lutter contre la corruption généralisée. Le peuple est supposé admettre que le bandit mafieux va lui-même réparer les dégâts qu’il a commis, ainsi que ceux commis par ses prédécesseurs mais dont il assume la responsabilité politique.
C’est pourquoi et plus que jamais le soulèvement du 17 octobre doit poursuivre sa cadence et ne pas écouter le chant des sirènes qui demandent un délai de grâce pour laisser travailler l’équipe gouvernementale. Aucun délai de grâce ne doit être accordé. Qu’elle fasse son travail et que le peuple poursuive pacifiquement son mouvement afin de surveiller et contrôler l’équipe gouvernementale.
Contrôler et surveiller quoi ?
1. Le comportement des forces de sécurité car il semblerait que la présidence de la République et son entourage souhaitent une répression musclée.
2. La mise en place des réformes impératives, notamment financières, que le monde entier réclame au Liban où l’État a sciemment pillé sa propre population.
3. La lutte contre la corruption que ce gouvernement va mettre en place, mais qui risque d’être une chasse aux sorcières par laquelle le pouvoir actuel réglera des comptes politiques. Il livrera à la population quelques symboles de ses ennemis, ce qui renforcera son emprise sur l’État. Ce point est crucial et exige une vigilance continue ainsi qu’une solide documentation sur les actes criminels dont s’est rendue coupable l’association de malfaiteurs que constitue l’oligarchie politico-financière qui règne sur le Liban.
4. La réalisation des exigences de la population : élections anticipées, renouvellement de la classe politique, élection présidentielle, etc.
Mais afin de pouvoir remplir efficacement cette mission de contrôle citoyen, il y a lieu de se doter de toute urgence d’un discours politique fédérateur et de faire émerger des hommes providentiels capables de porter le message et mener à bon port le processus révolutionnaire en cours.
OLJ