Deux jours après le retour de Hassan Rohani de New York, qui a pris fin par une conversation téléphonique historique entre ce dernier et le président américain Barack Obama, vendredi 27 septembre, ses sympathisants continuent à saluer le bilan de son voyage tandis que ses opposants multiplient les attaques.
Lundi 30 septembre, une organisation baptisée Comité de la défense des intérêts iraniens, composée de quelques formations estudiantines, a déclaré être à l’origine de la manifestation contre le chef de l’Etat iranien, devant l’aéroport de Mehrabad, à Téhéran, à son retour des Etats-Unis, samedi 28 septembre.
Une centaine d’hommes, criant « A bas les Etats-Unis », s’étaient rassemblés pour protester contre Hassan Rohani, qui, selon eux, avait reculé devant les Etats-Unis, grand ennemi de la République islamique depuis sa fondation. Lorsque la voiture du président iranien s’apprêtait à sortir de l’aéroport, l’un des manifestants a lancé une chaussure en direction de Hassan Rohani, sans que ce dernier ne soit touché. Selon la police iranienne, à la suite à cette attaque, deux personnes ont été arrêtées.
A côté de cette foule en colère devant l’aéroport de Mehrabad, des centaines de sympathisants du président iranien, brandissant des pancartes couvertes de slogans dont « Oui à la paix, non à la guerre! », s’étaient également rassemblés.
Or, le Comité de la défense des intérêts iraniens a nié, lors d’une conférence de presse lundi 30 septembre, l’attaque à la chaussure. « Nous condamnons avec fermeté l’attaque à la chaussure si elle a eu vraiment lieu », a déclaré son porte-parole, Ali Mohammadzadeh. Selon ce dernier, le Comité a pour mission de savoir »si les intérêts de l’Iran ont été respectés pendant les négociations [avec Washington] » et la manifestation était « une mise en garde sérieuse à l’attention du président ».
Outre la conversation d’une quinzaine de minutes entre les présidents iranien et américain, une rencontre a eu lieu, jeudi 26 septembre, entre les chefs de la diplomatie des deux pays, l’Iranien Mohammad Javad Zarif et l’Américain John Kerry.
A la suite de l’annonce du contact entre Barack Obama et Hassan Rohani, le site Rajanews, proche de Saïd Jalili, candidat malheureux à la présidentielle de 2013 et ancien chef des négociations nucléaires entre Téhéran et l’Occident, a été le premier à avoir attaqué le président. « Cet acte est étrange et sans intérêt (…). Soyez au moins diplomate, Monsieur Rohani! », avait écrit Rajanews. Par ailleurs, des internautes iraniens ont identifié l’un des manifestants en colère, samedi. Il s’agit du coordinateur de la campagne électorale de Saïd Jalili, Mohammad Sadegh Shahbazi.
Des internautes iraniens qui soutiennent le bilan du voyage de Hassan Rohani à New York ont depuis partagé en nombre les photos (ci-dessus) de ce sympathisant du très conservateur Saïd Jalili.
Bien que Hassan Rohani ait été accueilli, à son retour, par Ali-Akbar Velayati, proche conseiller du Guide suprême, Ali Khamenei, dans les affaires diplomatiques, ainsi qu’Ali Shamkhani, fraîchement nommé par le Guide à la tête du Conseil de la sécurité nationale, les quotidiens et les sites conservateurs continuent à fustiger les contacts entrepris entre Washington et Téhéran.
« Nous avons donné des avantages concrets mais n’avons obtenu que des promesses », peut-on lire sur la « une » du quotidien ultra-conservateur Kayhan du dimanche 29 septembre. Selon Kayhan, la conversation entre les présidents Obama et Rohani constitue un geste « désolant » et le plus grand « avantage » donné par le président iranien à son adversaire.
Le rédacteur en chef de ce quotidien, Hossein Shariatmadari, nommé directement par le Guide suprême, s’en est également pris dans son éditorial, publié le même jour, à certaines des positions de Hassan Rohani à New York. M. Shariatmadari se désole notamment du fait que le président iranien n’ait pas bien réagi lors que la célèbre journaliste d’origine iranienne, Christine Amanpour, lui a posé une question sur l’Holocauste. « M. Rohani aurait dû saisir l’occasion et demander pourquoi aucun historien ne peut enquêter dans ce domaine », a déploré M. Shariatmadari.
La fin de « Mort aux Etats-Unis » ?
Face à ce tollé provoqué contre le président iranien, certains responsables soutiennent que son voyage à New York était conforme aux politiques générales du régime. « Il est naïf de penser que les événements de New York se soient déroulés sans l’accord du Guide suprême », a précisé le député Mohammad Damadi.
L’imam de prière du vendredi de la ville d’Ispahan, Mohammad-Taghi Rabar, est allé encore plus loin dans son soutien à Hassan Rohani, en estimant que la fin des hostilités entre l’Iran et les Etats-Unis était envisageable. »Le slogan ‘Mort aux Etats-Unis’ n’est pas inscrit dans le Coran (…). A un moment, nous avons arrêté de prononcer des slogans contre l’URSS, nous pouvons aussi faire pareil avec l’Amérique », a déclaré M. Rahbar dans un entretien au journal Ghanoun, dimanche 29 septembre.
Téhéran continue à soutenir que Washington était à l’origine de cette conversation téléphonique, alors que les autorités américaines avaient bel et bien annoncé le contraire, suscitant des réactions violentes parmi les plus conservateurs en Iran. C’est pour calmer leur colère que le ministre des affaires étrangères iranien, M. Zarif, a précisé aujourd’hui sur sa page Facebook que « les Américains nous ont contactés cinq à six fois pour préparer cet appel ».
Ces explications ne semblent pas satisfaire certains députés, qui ont pris soin de convoquer le chef de la diplomatie au Parlement, mardi 1er octobre.