À 37 ans, Dabrina Bet-Tamraz a la foi chevillée au corps et une inlassable détermination pour défendre les minorités chrétiennes victimes de répression dans son pays natal, l’Iran. « Ce que je demande aux autorités, c’est qu’elles nous laissent pratiquer librement notre foi, sans être interrogés, arrêtés, oppressés… », déclare la jeune femme, exilée en Suisse depuis 2010.
Son combat s’enracine dans des drames qu’elle a vécus, depuis sa naissance en 1985 à Téhéran, « juste après la Révolution de 1979 ayant imposé une nouvelle identité populaire, fondée sur un système de croyances chiites ». Elle comprend dès l’enfance que ses parents sont soumis « à une pression particulière ». Motif de surveillance accrue, ces derniers sont pasteurs d’une paroisse pentecôtiste assyrienne, issus d’une lignée confessionnelle (1) comptant un nombre marginal de fidèles – beaucoup ayant, depuis, fui le pays pour l’Europe ou les États-Unis.
En République islamique, « notre Église attirait de plus en plus de croyants, dont un grand nombre de musulmans convertis. Mais la politique a commencé à se durcir », retrace Dabrina. Interdiction de célébrer les cultes en farsi, de faire de l’évangélisation auprès des musulmans, accusations visant les évangéliques d’être des « terroristes sionistes »…
En 2009, quatre ans après l’élection du président ultra-conservateur Ahmadinejad, le couperet tombe : les autorités réclament la fermeture de leur paroisse. Cette même année, Dabrina étudie la psychologie à l’université de Téhéran. Des agents du ministère du renseignement viennent l’interroger, la soupçonnant d’entrave « à la sécurité nationale ». Des arrestations comme celle-ci, il y en aura d’autres, en des lieux différents. « Ils m’ont dit qu’ils détruiraient ma vie si je ne coopérais pas en donnant des noms de pasteurs évangéliques et de convertis. Ils m’ont dit que, si j’aidais, d’autres paroisses ne seraient pas fermées… » Dabrina plie donc, avant de parvenir à s’enfuir en Europe.
Laissant derrière elle les siens – dont ses parents Victor et Shamiram, réfugiés à l’étranger depuis 2020 après avoir été exposés à de lourdes peines de prison pour organisation d’offices en farsi –, Dabrina ne lâche pas pour autant son combat pour la défense des chrétiens iraniens. Combat qui la mène régulièrement devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, ou devant le département d’État des États-Unis. Des leviers, parmi tant d’autres. Mardi 17 janvier, elle intervenait avec l’ONG évangélique Portes Ouvertes, qui rendait public son « index mondial annuel de persécution des chrétiens ».
L’inquiétude perce dans sa voix à l’évocation des affrontements qui secouent l’Iran. « Les autorités réagissent très violemment aux manifestations, tirant sur les gens, organisant des procès sans avocats, prononçant des sanctions très sévères – dont la peine de mort…, s’insurge-t-elle. On ne doit jamais s’habituer à cette oppression. » Dabrina cite un verset biblique : « Tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13, 35). « Malgré nos différences, nos faiblesses, professe-t-elle, c’est en étant unis que nous pourrons porter haut le combat pour la justice sociale, le respect des droits de l’homme et de la liberté de culte. »