Par Louis Imbert
Des combattants d’Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA) se sont déployés samedi 22 août autour du principal port d’Aden, centre vital à partir duquel le gouvernement yéménite en exil tente de reprendre le contrôle du pays depuis un mois, après avoir chassé les rebelles houthistes de la ville.
Des résidents ont déclaré avoir vu patrouiller les militants dans les rues de Tawahi, le quartier du palais présidentiel, situé sur une péninsule qui ferme l’entrée du principal port d’Aden. Le quartier général des services intérieurs, dirigé par le frère du président Abd Rabo Mansour Hadi, y a été détruit par une gigantesque explosion samedi. Les djihadistes ont également été vus dans le quartier commercial voisin de Crater.
Des responsables du port ont reconnu auprès des agences Associated Press (AP) et Reuters que le drapeau noir d’AQPA avait flotté sur la porte principale du complexe portuaire, et qu’un bateau de ses forces de sécurité avait été incendié.
Mais l’emprise d’Al-Qaida sur cette zone reste difficile à évaluer et ne semble pas pérenne. Plusieurs activistes ont démenti que les djihadistes en aient pris le contrôle définitif, citant des proches qui y résident. Le vice-ministre de l’intérieur, le brigadier général Ali Nasser Lakhsha, a quant à lui minimisé la menace : « Ce sont des groupes de malfaiteurs armés qui ne représentent pas un danger pour la ville d’Aden. »
Distributions d’armes
Pour Farea Al-Muslimi, analyste au centre Carnegie pour le Moyen-Orient, « personne, ni le gouvernement ni Al-Qaida, ne tient ces quartiers. Il y a une vacance du pouvoir depuis le départ des houthistes. AQPA et d’autres groupes radicaux viennent combler ce vide ». Les djihadistes d’AQPA ont participé aux combats dans Aden contre les rebelles houthistes, d’obédience chiite et supposés soutenus par l’Iran, et contre des éléments de l’armée restés fidèles à l’ancien président Ali Abdallah Saleh. Ils ont été des membres de fait, dans ce combat, d’une coalition hétéroclite regroupant les forces régulières, des commandos émiratis et saoudiens, des séparatistes sudistes et des groupes tribaux. Ils ont ainsi pu bénéficier de distributions d’armes alors que le gouvernement cherchait à contrer l’avancée des rebelles.
Les troupes émiraties et saoudiennes avancent désormais plus au nord, notamment dans la province de Marib, soutenues par des bombardements aériens qui ont mis le pays à genoux depuis la fin mars. A Aden, l’activité des groupes armés empêche encore la plupart des humanitaires de dépêcher des personnels internationaux. Des ministres font des allers-retours en ville, mais le gouvernement demeure en exil à Riyad.
Attentat contre « Charlie Hebdo »
Les djihadistes ont aménagé un camp d’entraînement dans une ancienne base militaire à Dar Saad, une entrée du nord d’Aden, selon des responsables de sécurité cités par AP. Ils y entraîneraient 200 militants. Par ailleurs, ils consolident leur contrôle de la province orientale de l’Hadramaout, où AQPA a capturé la ville portuaire de Mukalla en avril.
Les Etats-Unis, qui mènent une campagne contre AQPA au Yémen depuis 2001, ont tué le chef de l’organisation, Nasser Al-Wahishi, qui était aussi le numéro 2 d’Al-Qaida au niveau mondial. Sept membres du groupe ont encore été tués vendredi et samedi dans des frappes menées dans la province de Marib et sur l’aéroport de Moukalla. AQPA, devenue depuis la fin des années 2000 la principale branche opérationnelle d’Al-Qaida, a dirigé plusieurs attaques terroristes aux Etats-Unis. Le groupe avait revendiqué en janvier l’attentat contre Charlie Hebdo à Paris.
Dimanche, un otage britannique détenu par AQPA depuis 18 mois a été libéré par l’armée émiratie. Robert Douglas Semple, un ingénieur pétrolier de 64 ans, avait été kidnappé dans l’Hadramaout en février. Par ailleurs, un général saoudien, Abdoulrahman Ben Saad Al-Chahrani, a été tué par des tirs rebelles houthistes alors qu’il effectuait une visite des troupes à la frontière avec le Yémen.