Deux ministres commentent l’étalage de force du Hezbollah au cours du week-end dernier, dans la banlieue sud de Beyrouth : le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, « condamne l’étalage que fait le Hezbollah de son arsenal ». « C’est une gifle assénée au régime et un défi au principe de l’État », dit-il. Quant au ministre des Affaires étrangères et des Émigrés, Gebran Bassil, il se prononce en faveur de l’État. « Un État légal responsable de la sécurité, comme le réclame la volonté unanime des Libanais. Elle réclame aussi que le Liban soit protégé d’Israël par la légalité libanaise et le peuple résistant. »
Les forces politiques et les responsables évitent de pousser les hauts cris et de s’opposer à l’affaire, et estiment qu’il s’agit d’un nouveau 7 mai déguisé et d’un message multidirectionnel : à chaque fois que l’État fait preuve de présence et prend en main la sécurité, notamment celle de l’aéroport de Beyrouth, à chaque fois que le principe de l’État et la légitimité de la loi sont réaffirmés, le Hezbollah répond par un message clair. Par les parades de Qousseir et de Jahiliya, par l’étalage de force à Bourj Brajneh, mais aussi par les pressions politiques qu’il exerce sur le nouveau régime.
Le déploiement armé du Hezbollah a en effet eu lieu à l’issue de la réunion sécuritaire élargie présidée par Michel Aoun concernant les moyens de contrôler la situation sécuritaire à l’AIB. Le chef de l’État avait reçu des plaintes des pays arabes, au sommet de Amman, sur le laxisme et l’absence de sécurité à l’aéroport. Ces derniers avaient émis le souhait de voir sa sécurité renforcée, afin que leur retour au Liban soit facilité.
Un ancien ministre rappelle qu’en mai 2008, le gouvernement alors dirigé par Fouad Siniora avait pris deux mesures liées à l’AIB. La première consistait à remplacer le chef de la sécurité de l’aéroport, le général Wafic Choukeir (chiite), et la seconde à enlever les caméras de surveillance qu’avait placées le Hezbollah pour surveiller la piste des avions privés. La réponse du Hezbollah à ces mesures est venue le 7 mai. Ce jour-là, les éléments armés du Hezbollah s’étaient déployés dans la capitale, semant la panique. Ils avaient fait irruption dans certaines institutions médiatiques du courant du Futur. Ils avaient aussi détruit des permanences du parti. Cette « riposte » avait été vivement condamnée par le courant du 14 Mars. Peu après l’incident, le responsable des communications à la direction générale de l’Aviation civile, Joseph Sader, avait été enlevé dans le périmètre de l’aéroport. Les enquêteurs ont perdu sa trace et son sort demeure inconnu. La question s’est posée sur les mobiles de son enlèvement et sur la partie qui est derrière sa disparition, compte tenu du fait que la région où il a été enlevé se situe dans le périmètre sécuritaire du Hezbollah. Qui oserait mener une opération d’enlèvement dans une région sous le contrôle du Hezbollah ? demande un ministre.
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Selon certaines informations, suite à la nomination du général Imad Osman, proche du Futur, à la tête des Forces de sécurité intérieure, ce dernier s’est vu adresser, par le biais de médias proches du Hezbollah, des messages d’intimidation. Et pour cause : lors de la première réunion qu’il a tenue avec les officiers supérieurs, il avait insisté sur les compétences de chacun, tout en affirmant respecter les particularités confessionnelles. Il avait ensuite invité les officiers à privilégier l’intérêt de la nation plutôt que celui de leur communauté religieuse. Le général Osman envisageait de prendre des mesures pour renforcer la sécurité de l’aéroport, empêcher la contrebande et renforcer la surveillance. Pour ce faire, il préconisait la mise en place d’un bureau de renseignements au service du fret aérien, et l’augmentation des éléments des FSI au sein et à l’extérieur de l’aéroport. À la désapprobation du Hezbollah, le chef des FSI a répondu qu’il tient à faire appliquer la loi sur l’ensemble du territoire et qu’il demeure attaché à ses prérogatives.
Même si les proches du 8 Mars tentent de minimiser l’affaire, l’étalage de force du Hezbollah dans la banlieue sud de Beyrouth n’est autre qu’une réponse à la fois à la réunion sécuritaire de Baabda et à l’initiative du général Osman. Le message du Hezbollah est clair : il craint que les deux alliés du président Aoun, les Forces libanaises et le courant du Futur, n’éloignent de lui son allié, mettant en péril le document d’entente. D’autant qu’un observateur soutient que le chef de l’État, suite à son discours d’investiture, est désormais libre de tout engagement. Et c’est ce qui inquiète le Hezbollah.