Des sources parlementaires proches du courant du Futur assurent que la réunion du bloc parlementaire du Futur, aujourd’hui, devrait trancher une bonne fois pour toutes la question des fuites qui ont alimenté les théories parues dans certains quotidiens arabes concernant une décision que prendrait l’ancien Premier ministre Saad Hariri en faveur du soutien à la candidature à la présidence de la République du chef du bloc du Changement et de la Réforme, Michel Aoun, à la veille de la 45e séance électorale du 28 septembre.
Selon ces thèses, Nader Hariri, conseiller du chef du courant du Futur, aurait contacté un responsable du Courant patriotique libre (CPL) pour lui annoncer que sa formation adopterait prochainement la candidature du général Aoun. Ghattas Khoury, également conseiller de M. Hariri, aurait, selon les mêmes théories, également annoncé la même nouvelle au président des Forces libanaises (FL), Samir Geagea, à Meerab. Une réunion aurait même eu lieu entre Saad Hariri et le chef de la diplomatie, Gebran Bassil, à ce sujet lors d’une escale du gendre de M. Aoun dans la capitale française avant son départ pour New York.
Le courant du Futur dément intégralement ces rumeurs, accusant le Hezbollah d’en être à l’origine pour compliquer davantage la situation et perpétuer le blocage. Un argument de plus, après celui de la nécessité de se conformer au package deal de Nabih Berry pour ouvrir la voie à la présidentielle. De même, Gebran Bassil dément toute rencontre avec Saad Hariri à Paris. Le Hezbollah chercherait une fois de plus à rejeter la responsabilité du blocage sur Saad Hariri et, par extension, sur l’Arabie saoudite, dans le but de montrer patte blanche et d’innocenter l’Iran.
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Or des milieux du 14 Mars pointent un doigt accusateur sur le parti chiite et son parrain iranien à ce niveau: si le Hezbollah souhaitait vraiment l’élection d’un président, il aurait rencontré Saad Hariri à mi-chemin, sans se barricader derrière son adhésion de façade à la candidature du général Aoun. Cette dernière ne constitue en effet pour lui qu’une carte de pression sur le camp adverse, qu’il exploite pour les besoins de son projet régional iranien. Toutes les parties locales ont fait des concessions sur la présidentielle, sauf le Hezbollah, qui continue de bloquer en blâmant les autres, ce qui n’est pas sans susciter l’étonnement de certains cercles diplomatiques. Il paraît clair que certaines parties ne veulent pas d’un président et sont déterminées à maintenir le lien entre cette échéance et les dossiers régionaux – et syrien en particulier. Ce n’est alors qu’au moment d’un règlement de la crise syrienne favorable à Téhéran que la présidentielle serait débloquée au Liban.
Des milieux proches des Marada estiment qu’il n’y aura pas d’élection présidentielle de sitôt, l’échéance étant toujours prisonnière des rapports de force régionaux. Pour l’instant, l’on ne fait que gagner du temps, alors qu’il n’existe aucun signal augurant d’un règlement du blocage. Du côté du 14 Mars, la stupeur règne quant à l’attitude cavalière du Hezbollah, qui veut convaincre ses adversaires de soutenir la candidature Aoun… alors que ses alliés, comme Nabih Berry ou Sleiman Frangié, n’en veulent franchement pas. Une partie du 8 Mars préfère M. Frangié à M. Aoun, mais le Hezbollah a bloqué l’accès du premier à Baabda, sans en ouvrir la voie au second. Le parti chiite se contente de répéter, en variant le ton de son discours, qu’il soutient le général Aoun, sans effectuer aucune démarche pour garantir la victoire de son champion déclaré. Ce qui laisse penser que le Hezbollah ne veut pas en réalité de l’ex-chef du CPL, dont il exploite l’ambition à des fins stratégiques.
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L’Iran et le Hezbollah sont en fait trop préoccupés par la guerre syrienne pour lâcher du lest à Beyrouth, où la stabilité et la sécurité sont le résultat du contrôle politique et militaire de facto du parti chiite sur le territoire national. Le Hezbollah a créé une série de soupapes de sécurité qui empêchent la déflagration, tels que le maintien du gouvernement a minima ou le dialogue avec le courant du Futur, qui empêche tout dérapage sectaire dans la rue. C’est dans ce cadre que le Hezbollah appelle les ministres du CPL à retourner au gouvernement et à mettre fin à leur boycott de l’exécutif, ou encore à la relance du législatif. Le maintien de ces deux institutions reste essentiel à l’heure actuelle pour le parti chiite, dans une réponse implicite au courant aouniste, lequel conteste désormais la légitimité du gouvernement au nom de l’absence de « conformité au pacte national ».
Le Hezbollah sait que le vide présidentiel n’est pas prêt de finir, estime un ancien ministre. La 28e séance n’apportera rien de nouveau. Il n’y aura toujours pas de quorum, ni d’élection, en attendant les développements en Syrie. Peut-être un troc se mettra-t-il en place entre le maintien d’Assad au pouvoir en Syrie en échange d’un président indépendant au Liban. Mais Téhéran n’abandonnera pas une carte maîtresse à la veille de la présidentielle US et des négociations sur un règlement à la crise syrienne. La présidentielle au Liban devrait faire l’objet d’une rencontre entre François Hollande et Hassan Rohani à New York, en marge de l’Assemblée générale de l’Onu, Paris insistant sur la nécessité de relancer les institutions et de consolider la sécurité et la stabilité du pays à travers l’élection d’un chef d’État. Mais convaincre Rohani suffirait-il, alors que nombre d’observateurs s’accordent à dire que la décision libanaise est entre les mains exclusives des pasdaran ?