Shimrit Shaked
Il est né musulman au Koweit, n’a jamais entendu une parole positive sur les Juifs et soudain, au beau milieu de son existence, le monde de Mumtaz Halawa a basculé. Il a découvert qu’il était juif.
Après avoir traversé une crise très dure, il a immigré en Israël et changé son nom pour celui de Mordehaï. Jusqu’à aujourd’hui, il n’a pas encore dit à son père, un membre de la famille Al-Masri de Naplouse qui habite en Jordanie, le changement qu’il a effectué.
« Nous n’étions pas une famille religieuse », confie Mordehaï à Ynet et Orot TV. « Nous nous considérions comme musulmans, mais nous ne vivions pas vraiment comme des Musulmans. Enfant, je me rappelle avoir vu ma grand-mère lire un livre de prières qui n’était pas en arabe ou dans une langue que je comprenais. Mais lorsqu’elle tenait ce livre, elle pleurait ».
Un beau jour, Halawa a trouvé un document avec un nom de famille étranger: Mizrahi. Le document était écrit en hébreu, en anglais et en arabe et avait été imprimé en « Palestine ».
« Je savais que ma grand-mère s’était convertie du judaïsme à l’islam, mais j’étais né et avais été éduqué selon le principe que si ton père est musulman, tu es musulman », dit-il.
Mordehaï affirme qu’il a reçu une éducation anti-israélienne et même antisémite. « Au Koweït, où qu tu ailles, tu entends des commentaires contre les Juifs, dans les classes, durant les cours de maths ou d’anglais et même d’arabe ».
« Ne pose pas de question », lui dit sa grand-mère
Après l’invasion du Koweït par Saddam Hussein, sa famille est forcée de quitter le pays et s’installe en Jordanie. Mumtaz part étudier en Syrie et deux ans plus tard il achète un billet d’avion pour le Canada et change son nom pour celui de Marc.
Un soir, il rencontre dans une bibliothèque un homme avec une grande calotte noire. Il engage la conversation avec lui, exprimant son désir de créer un dialogue entre Juifs et Musulmans.
« Ma grand-mère est juive, c’est une femme gentille, pas comme ce que les gens disent toujours de négatif sur les Juifs’, dit-il innocemment.
L’homme lui répond que selon la Loi juive, il est également juif, mais Halawa a du mal à le croire.
« J’ai dit: ‘C’est une bonne blague. Mais c’est impossible car mon père est musulman’. Mais il a insisté, disant que selon le judaïsme, cela passe par la mère. Et comme votre grand-mère est juive, votre mère est née juive et vous aussi, vous êtes né juif ».
« J’ai pensé que cet homme était vieux et j’ai dit: ‘mais non, allez !!! Ma grand-mère s’est mariée avec un homme dont le nom est Muhammad al-Masri de Naplouse et s’est convertie à l’islam. Croyez-moi, n’importe quel Musulman mène une vie musulmane ».
« J’ai parlé avec beaucoup d’assurance et il m’interrompit: ‘un Juif peut se convertir même 10 fois à d’autres religions, mais il restera toujours juif. Par conséquent, votre grand-mère a transmis des ‘gènes juifs’ à votre mère qui est née juive et vous êtes né juif ».
Halawa accusa le coup. »C’était trop. On venait juste de me dire que j’étais l’ennemi contre lequel j’avais été éduqué. Ce fut un choc. Ce jour-là, j’eus le sentiment que j’avais vécu toute ma vie dans une sorte de rêve et que je venais juste de me réveiller. C’était comme si quelqu’un m’avait giflé et réveillé ».
« J’en parlais avec ma grand-mère et elle me dit: ‘Ne pose pas de questions, nous sommes musulmans, un point c’est tout ».
Après avoir visité les camps de concentration en Pologne, Marc décide de changer son nom pour Mordehaï et immigre en Israël où son grand-père et sa grand-mère se sont rencontrés pour la première fois.
Comme il n’avait pas de preuve de la judéité de sa grand-mère, Mordehaï entreprend le processus de la conversion « afin de pouvoir se marier et d’avoir des enfants juifs. C’est tout ce que je voulais ».
Lorsqu’on coupe la branche d’un arbre, il meurt lentement
Mordehaï a réalisé ses rêves les uns après les autres. Il s’est marié récemment et habite à Jérusalem.
Ce garçon à kippa, qui parle couramment l’anglais, a fait un long chemin depuis le moment où il s’appelait Mumtaz Halawa. Il y a une dizaine d’années, dit-il, il n’avait jamais pensé qu’il pourrait vivre un jour en Israël.
« De temps en temps je m’imagine vivant sans le judaïsme et je me sens immédiatement triste. Je n’ai encore rien dit à mon père jusqu’à maintenant. Peut-être est-il au courant, peut-être pas. Je pense qu’il est préférable de ne pas le troubler. Le judaïsme comme l’islam nous enseignent d’honorer nos parents ».
« Abraham a vécu en Irak, et je suis sûr qu’il a traversé le Koweït. Il a été obligé de quitter la maison de son père et accompli le contraire de ce que chacun pensait qu’il fallait faire. Je pense avoir fait plus ou moins la même chose. »
« J’entends parler de jeunes filles qui se marient avec des Musulmans et qui partent. Les gens ne sont pas conscients des conséquences lorsqu’on coupe la branche d’un arbre. Ce dernier meurt lentement. La branche ne peut pas être recollée. Je veux continuer là où ma grand-mère s’est arrêtée ».
Ynet