L’ÉCLAIRAGE La timide « ouverture » du régime iranien en direction des États-Unis, et de l’Occident, et plus particulièrement de l’Union européenne d’une manière générale, ainsi que la relance des pourparlers au sujet du dossier nucléaire iranien ont créé, à n’en point douter, une nouvelle donne à l’échelle régionale… Une nouvelle donne qui reste, certes, incertaine et tributaire de nombreux aléas, mais qui pourrait déboucher le cas échéant sur un bouleversement géopolitique au Moyen-Orient si le pouvoir en place à Téhéran fait le choix, sous le poids de la profonde crise socio-économique dans laquelle il se débat, de s’engager réellement, dans les faits et non pas seulement en paroles, sur la voie de la détente avec les puissances occidentales. Si un tel scénario se confirme et aboutit aux résultats escomptés, le Hezbollah risque de faire les frais du vaste package deal global qui serait alors conclu entre Washington et l’Occident, d’une part, et la République islamique, d’autre part. D’où certains signes d’inquiétude manifestés ces derniers temps par le Hezbollah.
C’est donc à la lumière d’un tel contexte qu’il faudrait sans doute placer les dernières déclarations du président du bloc parlementaire du Hezbollah, le député Mohammad Raad, qui a adopté récemment une position en flèche concernant la formation du gouvernement. Fidèle à sa réputation de porte-étendard du courant radical du parti chiite, M. Raad a lancé ce qui pourrait être perçu comme un ultimatum aux forces du 14 Mars, les enjoignant de donner leur aval à la dernière formule ministérielle suggérée par certains milieux locaux, à savoir la combinaison 9-9-6, en l’occurrence neuf ministres pout le 14 Mars, neuf pour le 8 Mars et six pour le camp dit centriste, représenté par le président Michel Sleiman, le Premier ministre désigné Tammam Salam, et le leader du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt. M. Raad a souligné dans sa dernière déclaration à l’adresse du 14 Mars que la « viabilité » de cette formule est limitée dans le temps.
Poursuivant sur sa lancée, le président du bloc parlementaire du Hezbollah a pratiquement sommé le 14 Mars de trancher sa position au sujet de la formation du gouvernement et de mettre un terme à ce qu’il a qualifié d’ « atermoiements » et de cesser de miser sur un changement de conjoncture régionale, affirmant sur ce plan que « les forces du 14 Mars ont perdu leur pari sur un changement en Syrie et leur projet a subi un revers face au projet de la résistance ». « Par voie de conséquence, a souligné dans ce cadre Mohammad Raad, les forces du 14 Mars doivent reconnaître leur échec et mettre un terme à leur position hautaine. »
Selon les sources du 14 Mars, cette position en flèche adoptée par le député hezbollahi s’explique par le fait que le parti chiite cherche désormais à accélérer la formation du gouvernement sous la présidence de M. Tammam Salam de crainte que les développements régionaux, relatifs à la détente, fut-elle timide et aléatoire, entre les puissances occidentales et le régime iranien n’ait des retombées négatives sur lui et sur son influence dans le pays. Le directoire du Hezbollah s’emploierait ainsi à hausser les enchères afin d’imposer la mise sur pied d’une équipe ministérielle à ses propres conditions, c’est-à-dire en amenant le président de la République, le Premier ministre désigné et le 14 Mars à accepter le principe du tiers de blocage ainsi que le triptyque armée-peuple-résistance et à renoncer à l’alternance dans la répartition des portefeuilles ministériels.
Pour le 8 Mars, et plus particulièrement pour le Hezbollah, ces conditions constituent en quelque sorte une garantie qui lui permettrait de préserver sa place prépondérante sur l’échiquier politique local de manière à parer à tout bouleversement qui se produirait au niveau de la géopolitique moyen-orientale dans le sillage des pourparlers sur le dossier nucléaire iranien. Cela expliquerait, selon les milieux du 14 Mars, que le Hezbollah fait désormais pression en vue d’accélérer la formation du gouvernement, à ses propres conditions, alors que jusqu’à présent, en d’autres termes jusqu’à la détente apparente entre Washington et Téhéran, il semblait jouait la carte du vide institutionnel en entravant la mission de Tammam Salam afin de maintenir en place le cabinet de Nagib Mikati. Les récents développements régionaux auraient ainsi amené le parti chiite à changer de stratégie afin que le gouvernement soit formé alors qu’il est toujours en position de force et qu’il est donc encore en mesure d’imposer ses desiderata, ce qui risquerait de ne plus être le cas si un réel accord, un package deal, se dégage entre l’administration Obama et la République des mollahs iraniens. Dans cette perspective, le Hezbollah n’hésite pas à avoir recours, une fois de plus, aux manœuvres d’intimidation en brandissant la menace d’un nouveau « 7 Mai » qui se traduirait par une action milicienne sur le terrain au cas où ses conditions ne sont pas satisfaites ou si un cabinet de fait accompli devait être mis sur pied.
Dans le camp du 14 Mars, on est à l’évidence conscient de telles manœuvres et on affirme qu’il ne saurait être question pour la coalition souverainiste de se laisser impressionner par les menaces du parti chiite et d’accepter ses desiderata. Pour le 14 Mars, le Hezbollah cherche en effet à faire en sorte que ses conditions au niveau de la formation du gouvernement constituent un précédent, ou plus précisément un fait accompli à caractère constitutionnel, tant en ce qui concerne le tiers de blocage que l’usage selon lequel ce ne serait pas au Premier ministre désigné de nommer les ministres et de répartir les portefeuilles, mais plutôt aux factions politiques en présence. Cela reviendrait à vider les prérogatives du Premier ministre de leur contenu et à marginaliser, notamment, son rôle dans la formation des gouvernements, au profit des parties politiques, en l’occurrence au profit de la faction chiite de l’échiquier politique local. Or pour le 14 Mars, une telle perspective est totalement exclue, quelles que soient les circonstances et quel que soit le rapport de forces en présence, car s’engager sur une telle voie reviendrait à remettre en question le fragile équilibre de Taëf et donc à ouvrir la boîte de Pandore.
Pour l’heure, les deux camps du 14 et du 8 Mars campent ainsi sur leurs positions, ce qui a pour effet de bloquer les efforts inlassables déployés par le Premier ministre désigné afin de former son gouvernement. Reste à espérer qu’une quelconque détente régionale soit à portée de main afin de sortir, enfin, le pays du Cèdre du cycle infernal des crises à répétition.
Le Hezbollah cherche désormais à accélérer la formation du gouvernement par crainte des développements régionauxLes Libanais ne comprendront pas qu’au gouvernement, libanais, puissent siéger des miliciens, iraniens, intégriste chiites, donc non Libanais à plus d’un titre. Cela, pour le principe de la chose. En outre, l’organisation armée à laquelle appartiennent ces miliciens est régionalement impliquée dans une guerre d’occupation en Syrie, avec ce que cette situation entraîne comme crimes de guerre et contre l’humanité dont se rendent coupables lesdits miliciens. Enfin, cette organisation armée est officiellement classée « organisation terroriste » dans la plupart des pays occidentaux et un grand nombre de… Lire la suite »