L’ÉCLAIRAGE L’initiative du président de la Chambre Nabih Berry, lancée samedi lors de la commémoration de la disparition de l’imam Moussa Sadr, trouvera-t-elle une oreille attentive auprès du 14 Mars ?
Il faut souligner d’abord que cet appel urgent du président Berry à un dialogue national à « huis clos » durant cinq jours consécutifs, pour discuter du gouvernement, de la loi électorale et de la stratégie de défense, signifie que le dialogue devrait précéder la formation du nouveau cabinet, ce qui, de prime abord, est rejeté par le 14 Mars.
Ensuite, la première initiative de Nabih Berry sur le dossier ministériel, qui avait précédé son appel au dialogue, avait essuyé un échec, dont il avait fait assumer la responsabilité au 14 Mars. L’initiative du chef d’Amal avait consisté à déclarer son retrait du 8 Mars, dont il a sonné le glas et abandonné la demande d’un tiers de blocage. Il avait donc tenté d’initier un processus en base duquel chaque composante du 8 Mars se concerterait individuellement avec le Premier ministre désigné.
L’un des députés du 14 Mars, qui revient aujourd’hui sur cette initiative, se souvient de la réaction immédiate du Hezbollah, qui avait vite fait de confirmer en force son alliance avec le Courant patriotique libre, réitérant son intention d’intégrer, avec le CPL, un gouvernement formé conformément au poids de chaque partie, à défaut de quoi les deux alliés se maintiendraient en dehors du prochain cabinet. Voyant le 14 Mars rejeter également son initiative perçue comme rien de plus qu’une « manœuvre » habile, Nabih Berry s’était résigné à s’abstenir de toute nouvelle démarche relative à la formation du prochain cabinet, prétextant alors uniquement le refus du 14 Mars d’un cabinet incluant le Hezbollah.
Cette fois, l’appel de Nabih Berry à un dialogue urgent a été prononcé sur fond de critique à l’adresse du 14 Mars, à qui il a fait assumer la responsabilité de la paralysie des institutions, du blocage de la formation du gouvernement et de la table de dialogue.
C’est dans ce contexte que des milieux politiques du 14 Mars se demandent si la nouvelle initiative du président de la Chambre a été avancée en sa qualité de chef du mouvement Amal, ou au nom des forces du 8 Mars ? Ils la qualifient en tout cas d’« incomplète et de contradictoire », jugeant de surcroît qu’elle « n’apporte rien de nouveau et se fonde sur des propositions inconstitutionnelles qui outrepassent par ailleurs les décisions internationales ». Des députés du 14 Mars estiment en effet que la feuille de route proposée au président Sleiman avait été déjà lancée par ce dernier, sans trouver pour autant d’échos positifs. Confier par ailleurs à la conférence de dialogue la tâche de débattre de la formation du prochain cabinet et des clauses de la déclaration ministérielle constitue une violation des prérogatives constitutionnelles accordées en la matière au président de la République et au Premier ministre désigné. De plus, ces milieux parlementaires du 14 Mars relèvent que le président de la Chambre a omis de mentionner explicitement la déclaration de Baabda comme assise de la prochaine déclaration ministérielle. S’il a estimé de bonne foi qu’il est nécessaire pour les parties de se retrouver à la table de dialogue, pourquoi avoir occulté la question essentielle de la paralysie actuelle du Parlement ? Enfin, son refus de « toute arme en dehors de l’armée et de la résistance au Sud » porte en réalité une légalisation de la résistance au Sud, ce qui est en soi contraire à la Constitution et aux résolutions internationales, en l’occurrence la 1701.
Ces milieux du 14 Mars s’étonnent en outre de « la campagne hostile menée par le président Berry contre le 14 Mars, d’autant qu’il fait abstraction des conditions mises par le Courant patriotique libre pour prendre part au prochain cabinet, et omet tout propos sur l’implication du Hezbollah en Syrie ». Ces milieux reviennent sur l’absence de la moindre allusion, chez Nabih Berry, à la politique de distanciation qu’il s’était pourtant engagé à respecter au sein du gouvernement Mikati, louant par ailleurs cette ligne d’action par rapport à la crise syrienne. Les mêmes milieux s’interrogent dans ce sens sur le silence de Nabih Berry au sujet des déclarations du chef du bloc du Hezbollah, le député Mohammad Raad, qui avait qualifié de « mort-née » la déclaration de Baabda, à laquelle le Hezbollah avait pourtant adhéré à l’issue de la dernière séance de dialogue. Pourquoi enfin, renchérissent ces milieux, le président de la Chambre n’a-t-il pas évoqué l’autosécurité en banlieue sud, au Sud et dans la Békaa, y compris le contrôle par les éléments du Hezbollah dans la banlieue sud de deux voitures diplomatiques saoudienne et koweitienne ? En somme, pour ces milieux du 14 Mars, « cette initiative est mort-née, et il n’y a pas lieu d’en débattre ».
Il faudrait donc que le Hezbollah renonce à l’agenda iranien en Syrie et rentre au Liban afin de permettre le débat sur sa participation au prochain cabinet. C’est ce que relève un député des Forces libanaises, faisant écho au dernier discours du chef des FL Samir Geagea, sur l’approbation de toute forme de cabinet qui consacre la déclaration de Baabda. C’est d’ailleurs sous le titre d’un « gouvernement fédérateur et juste » que le chef de l’État a inséré au cœur de son dernier entretien avec le député Mohammad Raad la nécessité du retrait du Hezbollah de la Syrie.