(Tunis, le 6 janvier 2012)
Les sit-ineurs, au nombre d’une dizaine sont revenus à la faculté en fin d’après-midi. Ils se sont installés dans le parc, du côté de la façade latérale de l’administration, dans une tente pour pouvoir continuer à faire pression sur le conseil scientifique. Sans être une tente d’apparat, elle semble bien protéger des rigueurs de l’hiver. On savait qu’ils n’allaient pas abdiquer mais on était loin de penser qu’ils seraient de retour aussi vite. C’est dire leur détermination, leur capacité à rebondir après la levée hier, en fin d’après-midi, du sit-in par la police et l’importance du financement dont ils disposent pour imposer leurs lois et particulièrement, celle du port du niqàb en classe. La conférence de presse que leurs camarades de la FLAHM ont organisée en début d’après-midi dans la foulée de celle convoquée par le doyen pour annoncer les décisions de réouverture de la faculté, de révision du calendrier des cours et des examens du premier semestre, prises par le conseil scientifique réuni ce matin ,est la preuve de cette obstination à faire aboutir leurs revendications.
Six heures après le retour des sit-ineurs, les autorités n’ont pas encore réagi. Les enseignants ne comprennent pas ce silence qui intrigue tous ceux qui étaient témoins du l’impressionnant déploiement de force effectué hier par le gouvernement. Pourquoi avoir fait hier tout ce déploiement si on revient le lendemain à la case départ et qu’on accepte le nouveau fait accompli ? On ne peut pas justifier cette contradiction, à moins de croire les sit-ineurs quand ils affirment avoir fait un compromis avec le ministère de l’enseignement supérieur les autorisant à poursuivre leur sit-in loin du hall de l’administration. Mais cette hypothèse ne résiste pas à un sérieux examen quand on sait que le président de la République, qui a demandé à recevoir des membres du conseil scientifique de la FLAHM, a soutenu dans l’entretien qu’il a eu hier après-midi avec eux, en présence du recteur de l’université de la Manouba, les positions du conseil scientifique adhérant totalement, en tant qu’enseignant, à l’ approche selon laquelle la relation interactive est à la base de la réussite de toute formation et qui considère que le principe fondamental garant du bon fonctionnement et du succès de la transmission et de la réception de la connaissance est la coopération entre des individus qui acceptent la communication et le dialogue et qui se découvrent par conséquent le visage.
Va-t-on assister à un nouveau bras de fer entre les sit-ineurs et les enseignants d’autant que ces derniers réunis ce matin en assemblée générale syndicale ont exigé l’adoption par le ministère de tutelle d’une circulaire interdisant dans l’ensemble des universités le port du niqàb en classe, pendant les examens et les séances d’encadrement, revendication qui a aussi l’appui du président de la république ? La reprise des cours sera-t-elle compromise ? Les prochaines heures nous permettront de répondre à cette question. Mais il faut penser que toutes les données évoquées plaident en faveur d’une intervention de l’état pour une nouvelle levée du sit-in.
Habib Mellakh, universitaire, syndicaliste.
Département de français, Faculté des Lettres de la Manouba (Tunisie)