Et si le sort du président Bashar al-Assad, confronté à une vague de contestation sans précédent, se jouait à La Haye. C’est également là que siège le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), qui s’apprête à rendre son acte d’accusation définitif dans l’enquête sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri, en 2005 à Beyrouth.
Le procureur du TSL, Daniel Bellemare, a déposé, début mai, un acte d’accusation «modifié», contenant «de nouveaux éléments de fond qui n’ont été disponibles que récemment», a précisé le TSL dans un communiqué. Il s’agit de la seconde modification apportée à l’acte d’accusation, déposé le 17 janvier dernier.
On attend généralement que plusieurs membres du Hezbollah, le mouvement chiite libanais pro-iranien et allié de Damas, soient inculpés. Mais depuis le début de l’enquête internationale, la Syrie, ou en tout cas certains responsables syriens, sont également fortement soupçonnés d’avoir commandité ce crime politique, qui entraîna le départ des troupes de Damas du Liban.
Jusqu’à l’éclatement des manifestations contre le régime de Bashar al-Assad, il y a deux mois, la priorité de la communauté internationale était à l’attentisme vis-à-vis d’un pouvoir, dont on craint toujours la capacité de nuisance hors de ses frontières. Mais après la sanglante répression des manifestations, qui a fait plus de 800 morts, l’heure, désormais, est à la fermeté.
Les condamnations contre Damas pleuvent, mais elles restent verbales, donc sans effet sur le régime syrien, même si l’Union européenne et les États-Unis ont pris des sanctions contre les dirigeants syriens. Mais la prochaine publication de cet acte d’accusation pourrait fournir l’occasion à la communauté internationale d’accroître considérablement sa pression sur un pouvoir, qui a perdu une grande partie de sa légitimité, ces dernières semaines. Surtout si le TSL dispose de preuves accablant Damas.
En tout cas, son procureur semble convaincu que le commanditaire du crime est bel et bien en Syrie. Bellemare l’a dit à un diplomate français de haut-rang. Début avril, ce dernier nous déclarait : «J’ai reçu, il y a quelques mois, la visite du juge Bellemare qui m’a dit ceci : je vais inculper plusieurs membres du Hezbollah. Mais, nous savons que le commanditaire de l’assassinat d’Hariri est à Damas. Si vous me donnez les moyens pour continuer mon enquête, je remonterai jusqu’au commanditaire syrien. En clair, Bellemare nous mettait devant nos responsabilités. Si on lui disait ok pour davantage de moyens, il inculperait des Syriens», concluait ce diplomate, qui suit de près l’investigation sous mandat onusien de l’assassinat de Hariri.
De quels moyens s’agit-il ? D’argent pour clore l’investigation ou d’informations sensibles ? Selon plusieurs sources, les services de renseignements français auraient fourni récemment au TSL des informations en leur possession sur l’implication syrienne dans l’assassinat de Hariri. Ce qui expliquerait le très net durcissement de ton de Paris à l’égard de Bashar al-Assad, après avoir été courtisé entre 2008 et 2010.
À l’ONU, la Chine et la Russie s’opposent jusqu’à maintenant à l’adoption d’une résolution condamnant la Syrie pour sa répression des manifestants et les milliers d’arrestations (10.000 au moins) à travers le pays.
Dans son dernier communiqué, le TSL précise que le procureur Bellemare n’entend pas procéder à de nouvelles modifications de l’acte d’accusation, attendu depuis plus de six mois maintenant avec beaucoup d’impatience et d’anxiété au Liban, notamment. Les prochaines semaines nous diront si «ces nouveaux éléments de fond», évoqués par Bellemare, conduiront ce dernier jusqu’à Damas.
Mais une chose parait d’ores et déjà certaine : si un ou plusieurs responsables syriens sont inculpés par le TSL, s’opposer à des sanctions onusiennes contre la Syrie deviendra beaucoup plus difficile. D’autant que le ou les responsables syriens visés par le TSL pourraient déjà figurer sur la liste des 13 dirigeants frappés par les récentes sanctions adoptées par l’Union européenne.
Les opposants les plus virulents au régime bassiste y voient déjà le coup de grâce porté au pouvoir syrien. D’autant qu’au même moment, un charnier vient d’être découvert à Deraa, le berceau de la contestation. «Je crains qu’une procédure de crime contre l’humanité soit déclenchée tôt ou tard contre Damas devant le Tribunal pénal international de La Haye», nous affirme un «ami» du clan Assad, qui redoute également que les États-Unis finissent par déclarer «illégitimes» le régime de Bashar al-Assad.
http://blog.lefigaro.fr/malbrunot/2011/05/lavenir-du-pouvoir-syrien-pour.html