La piraterie, un nouveau moyen de répression
Le triangle de l’Océan Indien
Habitués du golfe d’Aden, les pirates somaliens ont frappé beaucoup plus au sud le 15 novembre, à 450 milles nautiques (800 kilomètres) au large du Kenya et de la Tanzanie, une attaque surprise dûment planifiée et conduite en plein océan Indien par des pirates équipés de matériel de navigation et de transmission à la pointe de la modernité. Depuis la chute de Syad Barré en 1991, les trafiquants d’armes de toutes nationalités prospèrent dans les ruines de la Somalie. Les clans adverses se déchirent jusque dans le Gouvernement fédéral de transition (GFT) que l’Onu s’efforce vainement d’imposer à Mogadiscio, la capitale, avec le concours militaire de l’Ethiopie et face à des tribunaux islamiques eux aussi solidement armés.
Les 3 700 kilomètres de côtes somaliennes ont vu de très longue date toutes sortes de trafics, le tsunami de 2005 ramenant par exemple sur les plages des quantités de barils de déchets radioactifs. La criminalité internationale organisée, la mafia italienne notamment, selon certains observateurs, ont fait une poubelle de ces lieux également très fréquentés par la piraterie. Et cela sans frein aucun, depuis que fin 2006 le semblant d’ordre imposé six mois durant par les tribunaux islamiques a disparu, l’armée éthiopienne leur faisant lâcher prise sur le centre et le sud du pays. Pour sa part, depuis le début de 2008, le Bureau maritime international (BMI) a recensé une centaine d’attaques de pirates somaliens au large de la Corne de l’Afrique, principalement dans le golfe d’Aden où transitent chaque année quelque 16 000 bâtiments, ce qui représente environ 90% du trafic marchand mondial.
Des bases au Puntland
Basés pour la plupart dans le nord-est de la Somalie, au Puntland, les pirates ont réussi à s’emparer cette année de 36 navires. Et c’est en face du port d’Harardere qu’ils ont d’ailleurs conduit le Sirius Star, ancré depuis le 18 novembre dans les eaux territoriales du Puntland où sont toujours retenus 14 navires piratés parmi lesquels un cargo ukrainien bourré d’armes, de munitions et de blindés, le Faina, arraisonné le 25 septembre dernier. Ironie du chaos somalien, c’est de cette région du Puntland qu’est issu le président somalien « en titre », Abdullahi Yussuf.
Ancien lieutenant-colonel de l’armée somalienne sous Syad Barre, Abdullahi Yussuf présidait en effet aux destinées claniques de l’Etat – autonome mais pas séparatiste – du Puntland avant d’être péniblement assis, en juin 2005, dans le très virtuel fauteuil présidentiel de la Somalie, sous la férule de l’Autorité régionale intergouvernementale de développement (Igad : Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Kenya, Ouganda et Soudan) et du Forum de partenaires internationaux rassemblant la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, la Norvège, la France, le Japon et l’Union européenne.
A défaut de se risquer sur un territoire somalien livré à la loi du plus fort, le « président » Yussuf a installé ses pénates à Nairobi, au Kenya où le Premier ministre d’un gouvernement somalien non moins virtuel, Nour Hassan Hussein, rappelle aujourd’hui qu’il sera extrêmement difficile de venir à bout de cette piraterie organisée malgré la présence d’une armada de l’Otan et de nombreux bâtiments de guerre européens et russes. «Les opérations navales à elles seules ne sont pas suffisantes, dit-il, car les pirates disposent d’un réseau en mer, à terre et aussi parfois à l’étranger».
La Somalie, territoire sans Etat
Par deux fois, des forces spéciales françaises ont donné l’assaut à un repaire de pirates somaliens : le 11 avril 2008 d’abord, contre les ravisseurs (le 4 avril) du yacht de plaisance français Le Ponant, après le versement d’une rançon par l’armateur dont une partie a été récupérée, mais aussi dans la nuit du 15 au 16 septembre 2008, pour libérer un couple de Français retenus à bord de leur voilier Le Carré d’As. Des pirates ont été tués dans ces opérations militaires. D’autres ont été capturés et ramenés en France pour être jugés, sans que l’on puisse vraiment espérer un quelconque effet d’exemplarité en Somalie, territoire sans Etat et sans foi autre que celle de la survie, comme l’expliquent les pirates à peine voilés dans leurs chèches, que la presse peut interroger à découvert, à proximité des villages de pêcheurs somaliens dont ils sont issus.
A voir le niveau d’équipement des pirates somaliens, il est clair que le banditisme des mers est devenu une entreprise qui dépasse les capacités ordinaires des anciens pécheurs du cru. Dans le désert ambiant de leur pays dévasté, la transformation des valises de billets en produits consommables et le recyclage des rançons imposent visiblement un certain niveau d’expertise et de contact international. C’est ainsi par exemple que sur la chaîne de télévision qatari, al-Jazira, un homme revendiquant sa participation à la prise du Sirius Star indique tout bonnement que lorsque les négociations auront abouti avec l’armateur, les pirates « feront le compte de l’argent mécaniquement ».
Une criminalité internationale très organisée
Si elle n’a pas vraiment pignon sur rue, encore que le port d’Harardere ressemble à un siège d’entreprise, la piraterie somalienne est tout à fait organisée. « Nous disposons des équipements nécessaires pour identifier les faux billets », assure ainsi le présumé pirate d’al-Jazira. Mercredi soir, nulle information précise ne filtrait sur le montant de la rançon du Sirius Star. Mais sa valeur cumulée avec celle de son fret représente quelque 250 millions de dollars. Son propriétaire, le Saoudien Aramco et son opérateur, la filiale Vela International Maritime Ltd, basée à Dubaï, se contentent d’assurer que « la première priorité demeure la sécurité de l’équipage » : deux Britanniques, deux Polonais, un Croate, un Saoudien et dix-neuf Philippins, qui, au moment de l’abordage, ont dû se sentir bien seuls sur leur bâtiment grand comme trois terrains de football. Une proie tentante et finalement facile malgré son éloignement à plusieurs centaines de milles nautiques de la côte.
La force navale internationale censée prévenir ce genre d’attaques dans la zone est débordée. Mardi soir, c’est un navire de guerre indien la frégate INS Tabar, qui a dû riposter à une attaque de pirates au large des côtes de la Somalie. Selon le Bureau maritime international (BMI), ce qui ressort ces dernières semaines, c’est «une augmentation anormale des actes de violence et des saisies de navires malgré le renforcement de la sécurité dans la région». «En l’absence de dissuasion, en raison des risques faibles et avec la perspective de gains élevés pour les pirates, les attaques vont continuer», souligne le directeur du Centre d’observation de la piraterie du BMI.
Selon le BMI, « la situation est déjà incontrôlable. Les Etats-Unis et la communauté internationale doivent faire cesser cette menace ». Reste à savoir comment. En attendant, à défaut d’avoir pu empêcher la Somalie de sombrer dans le chaos, c’est une zone de non-droit qui entrave aujourd’hui la libre circulation de la marine marchande internationale et menace d’alourdir encore les prix du pétrole, pour le plus grand profit du crime organisé.
« PIRATES OU CORSAIRES »: « Juste une mise au point »
Je suis d’accord avec le BMI : Les Etats-Unis et la communauté internationale doivent faire cesser cette menace. casino en ligne
« PIRATES OU CORSAIRES »: « Juste une mise au point »
Le rapport de l’Assemblée nationale française est bien fait et complet : http://pourconvaincre.blogspot.com/2009/05/le-rapport-dinformation-sur-la.html