Selon le jésuite Samir Khalil Samir, expert du Proche-Orient à Beyrouth, ce voyage a permis d’encourager les chrétiens d’Orient à ne pas immigrer
Ce voyage pontifical en Terre sainte a « moyennement » intéressé l’opinion libanaise, estime le jésuite égyptien Samir-Khalil Samir, expert du dialogue interreligieux et du Proche-Orient à l’université Saint-Joseph de Beyrouth (Liban). « Mais il n’y a pas eu de réactions négatives », ajoute-t-il aussitôt, rappelant que certains membres du Hamas ou des Frères musulmans avaient refusé d’accueillir Benoît XVI tant que celui-ci n’aurait pas fait des « excuses » pour ses propos à Ratisbonne.
Le jésuite libanais a été particulièrement frappé par « la communion harmonieuse » qui a régné en Jordanie : « On sentait que les responsables politiques faisaient tout pour faciliter ce voyage, avec respect et délicatesse. »
Nul doute, selon lui, que la Jordanie peut servir de modèle de tolérance pour les pays musulmans. En ce sens, tout ce que le pape a dit sur le rôle de médiateur – entre juifs et musulmans – des chrétiens d’Orient peut encourager ceux-ci à ne pas émigrer malgré leurs difficultés croissantes. « Mais cette décision n’appartient qu’aux familles. »
Il a « bien distingué les plans politique et religieux »
Le P. Samir se réjouit aussi que, pendant ce voyage, Benoît XVI a « bien distingué les plans politique et religieux et n’a cédé à aucune pression politique. Il a affirmé clairement l’inacceptabilité de l’antisémitisme et de tout racisme, mais aussi de toute agressivité contre l’islam. Il a rejeté catégoriquement toute tendance négationniste et a parlé des 6 millions de juifs déportés et disparus. »
S’il n’a pas demandé pardon pour la Shoah, comme le lui ont reproché un certain nombre de juifs, c’est parce que cela avait déjà été fait par son prédécesseur et qu’« une demande de pardon n’a pas besoin d’être répétée ». De même, selon le jésuite, si Benoît XVI n’a pas fait allusion à ses origines allemandes, c’est parce qu’il est venu « comme pape et comme pèlerin et qu’il n’avait pas à faire interférer son identité personnelle ».
Le P. Samir a apprécié encore que le pape a affirmé les droits des Palestiniens à la justice : « Le seul fait de parler de deux États ayant droit à des frontières sûres reconnues au niveau international est déjà énorme, face au gouvernement israélien actuel qui ne veut pas entendre parler d’un État palestinien ». Si le pape a sévèrement critiqué le mur, il a aussi demandé aux Palestiniens de ne pas céder au terrorisme. Et s’il n’a pas parlé de « territoires occupés » mais de « territoires palestiniens », c’est « pour ne pas bloquer les Israéliens ».
Enfin sur le plan religieux, le jésuite de Beyrouth souligne la portée des discours de Benoît XVI à Madaba et dans la mosquée d’Amman (Jordanie) : « Il a repris l’essentiel de ce qu’il avait dit à Ratisbonne sur la science qui libère de l’ignorance – et donc du fanatisme où chacun exclut l’autre –, et sur la nécessité de former les consciences et les intelligences pour accéder à l’esprit critique. » Quant au judaïsme, le P. Samir constate que Benoît XVI a « brièvement mais clairement affirmé que les chrétiens sont héritiers de la tradition juive et qu’il n’y a pas d’autres voies que le dialogue entre juifs et chrétiens ».
Claire LESEGRETAIN