Propos recueillis par RENAUD GIRARD (Le Figaro)
LE FIGARO. – Etes-vous inquiète d’une guerre possible entre l’Amérique et l’Iran ?
Shirin EBADI. – Oui, je suis inquiète. Comme tout le peuple iranien. Quand George Bush et Condi Rice évoquent l’« option » d’un bombardement de l’Iran, il y a, bien sûr, de quoi être inquiet.
Qu’est-ce qui pourrait éviter que cette guerre ait lieu ?
La raison, des deux côtés. Du côté iranien, la raison serait d’écouter les recommandations de l’ONU. Il n’est pas raisonnable pour les Iraniens de s’enfermer derrière un mur et de dire que nous n’avons aucun lien avec le monde extérieur. Le monde entier nous demande de suspendre notre programme d’enrichissement de l’uranium. Il n’est pas raisonnable de ne pas le faire. Du côté des Américains, la raison serait de tirer les leçons de leur catastrophique aventure militaire en Irak. Il ne faut pas que l’Amérique attaque militairement l’Iran. Le peuple iranien est un peuple fier et résistant. Il se défendrait farouchement.
Les sanctions commerciales constituent-elles un meilleur outil pour amener Téhéran à changer sa politique nucléaire ?
Les sanctions économiques ne sont pas une bonne chose, car toujours elles pénalisent la population et jamais les dirigeants. La population iranienne n’approuvera jamais les sanctions économiques. Ces dernières peuvent au contraire la monter contre l’Occident. Je crois en revanche à l’efficacité des sanctions politiques. Minimiser ses relations politiques avec un régime dictatorial, cela a un sens. Depuis que le dossier nucléaire a pris cette importance, on a tendance, en Occident, à oublier l’accroissement des atteintes aux droits de l’homme en Iran. La situation des femmes, leur liberté, s’amenuise de jour en jour. La liberté d’expression est bafouée : les journaux indépendants sont fermés par le régime et certains journalistes sont jetés en prison. Les manifestations d’étudiants sont durement réprimées.
Prônez-vous la séparation du politique et du religieux en Iran ?
J’y suis favorable. Mêler la politique à la religion permet aux politiciens iraniens d’abuser des croyances religieuses profondes de la grande majorité des Iraniens. Aujourd’hui, quiconque n’a pas le blanc-seing des religieux ne peut pas se présenter aux élections. Mais ce n’est pas le seul obstacle. Il y a aussi le contrôle de la politique par le corps des gardiens de la révolution.
Pourrait-on, un jour, revenir sur le principe du gouvernement des clercs de l’islam chiite en Iran ?
Il faudrait un référendum pour cela. Tout dépendra de la volonté du peuple iranien, de la capacité de verrouillage du régime, et aussi, bien sûr de la situation internationale.
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20071027.FIG000000765_shirin_ebadi_les_sanctions_economiques_
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