Washington et Moscou œuvreraient de concert en faveur d’une solution à la crise syrienne, et ce à travers leurs chefs de la diplomatie respectifs, John Kerry et Sergueï Lavrov, dont les rapports sont solides. MM. Kerry et Lavrov entendent parvenir à un accord avant la fin de leur mission, selon l’analyse d’un homme politique arabe installé à Paris. Or, le secrétaire d’État des États-Unis quitte son poste avant le début de l’an prochain, avec l’arrivée au pouvoir du nouveau président et de son administration. Le ministre russe des Affaires étrangères, lui, partirait au même moment, dans le cadre d’un réaménagement ministériel opéré par Vladimir Poutine autour de novembre prochain.
Pour cet homme politique arabe, il serait faux de penser que Washington a été surpris par le retrait militaire partiel russe de Syrie. Selon lui, c’est dans le cadre de ce projet de solution entre les deux grandes puissances que les forces russes sont entrées en territoire syrien, et elles s’en retirent à présent parce que leur mission est accomplie. L’objectif de Moscou était de stopper l’avancée des rebelles et d’empêcher la chute du régime Assad, afin qu’il soit là au moment du règlement. Le président syrien a toutefois tenté d’exploiter l’intervention russe, annonçant qu’il refusait de négocier avec l’opposition. Bachar el-Assad a pensé que Moscou l’aiderait à regagner l’ensemble du territoire perdu et écraser les rebelles. Or, aussi bien les États-Unis que la Russie ont répondu au dictateur syrien et à la position exprimée par son ministre des Affaires étrangères, Walid Moallem, selon laquelle « le président Assad est une ligne rouge », soulignant qu’il existe un accord international et régional en faveur d’un règlement sur base des résolutions de Genève I. Moscou a même précisé que son intervention militaire visait à empêcher la chute du régime, et non maintenir Assad au pouvoir ou triompher des rebelles. Le retrait militaire partiel russe s’inscrirait donc dans une volonté de renforcer le processus des négociations et de pousser les belligérants, pouvoir comme opposition, à s’asseoir autour de la table de dialogue.
Mais pourquoi les forces russes n’ont-elles pas anéanti Daech et le Front al-Nosra? « Qui donc aurait pris le contrôle des zones qu’ils contrôlent actuellement ? répond cet homme politique basé à Paris. Les forces fidèles au régime, sans doute, et leurs alliés : Hezbollah, pasdaran, milices irakiennes, etc. Or cela aurait compliqué la situation et provoqué une nouvelle escalade, notamment sectaire, en Syrie, empêchant toute perspective de solution. »
L’Arabie saoudite et la Turquie, ainsi que d’autres pays sunnites de la région, n’auraient alors plus de rôle à jouer. Le régime, fort de cette reconquête, aurait totalement rejeté tout dialogue avec l’opposition basée à l’étranger, se contentant d’amorcer des négociations avec l’opposition de l’intérieur. Il aurait rejeté en bloc les décisions de Genève I, cherchant à imposer ses solutions à l’opposition de l’intérieur, exploitant la nouvelle donne contre Riyad. Une solution équilibrée serait devenue impossible et la guerre d’Assad contre les rebelles se serait poursuivie sans fin – sans oublier les conséquences sur la population civile et l’aggravation de la crise des réfugiés. Moscou a donc joué un rôle de rééquilibrage dans la crise, pavant la voie à une entente politique, selon cet analyste.
Selon un diplomate occidental, le rôle de la coalition des pays sunnites autour de l’axe Arabie saoudite-Turquie dans la solution sera de combattre Daech et l’extrémisme, afin d’optimiser les chances du règlement. Cette coalition formée de 20 pays sunnites et de 350 000 soldats aura ainsi une fonction fondamentale pour exterminer les formations terroristes.
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Concernant la forme du futur régime syrien, plusieurs propositions ont été émises, comme le fédéralisme et la formation de cantons, affirme cet homme politique arabe qui se trouve dans la capitale française. Cependant, il y aurait un consensus sur le maintien d’une Syrie unitaire dans les limites imparties par Sykes-Picot, avec une formule similaire à celle de Taëf, assurant la participation de toutes les composantes au pouvoir. Les Kurdes, par exemple, selon un diplomate occidental, savent bien que la formule fédérale ou de partition n’est pas de mise en Syrie. Partant, la démarche kurde ne trouvera pas d’appui, mais obstrue au contraire le projet de solution équilibrée prévue.
Quant à l’Iran, toujours d’après ce diplomate occidental, il s’est retrouvé marginalisé après la confiscation par Moscou de la carte syrienne qu’il détenait. Téhéran ne peut pas se mettre en travers d’un accord russo-américain, mais souhaite maintenir Assad au pouvoir et essayer de consolider ses chances d’établir un canton alaouite de Lattaquié au Golan, à la frontière nord-est libanaise. Or cette formule est rejetée par nombre de parties internationales et régionales, en raison notamment de ses répercussions sur l’entité libanaise.
De sources proches du 8 Mars, le Hezbollah serait incapable de discuter des développements régionaux après la dernière décision russe et avec le début des négociations syriennes. Le parti chiite réalise qu’il n’a aucun rôle à jouer dans le règlement, en dépit des sacrifices consentis au combat. Le Hezb se précipitera-t-il, sur base de la nouvelle donne, vers un compromis interlibanais pour jouer un rôle dans l’élection présidentielle – un moyen pour lui de s’assurer une nouvelle couverture légale à une étape cruciale où il est dans le collimateur arabe et occidental? Ou bien se bornera-t-il à exécuter l’agenda des pasdaran et aller vers l’escalade, occultant ainsi l’appel du président de la Chambre, Nabih Berry, à un règlement maintenant, garantissant l’accession d’un candidat du 8 Mars à la présidence, avant que le compromis ne soit imposé au tandem chiite, au terme d’un accord irano-saoudien ?