Le nouveau sous-secrétaire d’État américain pour les Affaires politiques, Thomas Shannon, arrive à Beyrouth en début de semaine prochaine pour des discussions avec les responsables libanais concernant les derniers développements sur la scène interne, une manière pour l’administration américaine de réaffirmer son souhait d’apporter son aide et son soutien au Liban notamment pour mener à bien l’échéance électorale présidentielle et redynamiser les institutions.
Selon un diplomate arabe basé à Washington, il s’agit également pour les États-Unis de démontrer leur attachement à la stabilité sécuritaire, financière et politique du pays. La sécurité étant « une ligne rouge à ne pas dépasser » pour
Washington, les responsables américains estiment en outre que l’exemple libanais est un modèle à suivre pour résoudre les crises de la région car il permet d’assurer une représentation des diverses composantes. Les États-Unis tiennent donc à faire acte de présence aux côtés du Liban, d’une part tout en envoyant un message clair aux pays de la région, et à l’Occident de contribuer à la préservation de la stabilité du pays.
Cette visite de M. Shannon intervient à l’heure où les développements régionaux prennent une nouvelle tournure puisqu’ils s’inscrivent de plus en plus dans une logique de règlement politique et que les États-Unis, autant que la Russie et l’Europe, œuvrent dans cette direction. Toutefois, si les parties en présence semblent désormais être d’accord pour mettre un terme à la violence et démarrer les pourparlers, cela ne signifie pas pour autant qu’ils ont réussi à trouver un compromis politique définitif. En effet, les États-Unis rechignent à s’ingérer directement dans les pourparlers avec les Russes et les Iraniens car chacun d’entre eux exige une contrepartie trop coûteuse pour Washington. Les Russes exigent de savoir quelle sera la contrepartie qu’ils recevront dans le cas où ils adhéreraient au schéma américain qui suppose le départ de Bachar el-Assad, tandis que les Iraniens revoient leurs exigences à la hausse dès qu’il s’agit pour eux de faciliter l’élection présidentielle au Liban. Téhéran demanderait un rôle plus prononcé en Syrie et, de manière plus générale, d’être hissé au rang de partenaire dans la résolution des crises au Moyen-Orient.
C’est en partie pour cela que l’administration américaine ne veut pas entrer en négociation directe avec l’Iran en ce qui concerne le dossier de la présidentielle libanaise. Celle-ci a donc laissé agir la France et l’Onu sur ce dossier, mais leur action conjointe a jusqu’à présent été rejetée par l’Iran. Il faut rappeler dans ce contexte que l’émissaire du secrétaire général de l’Onu pour le Liban, Sigrid Kaag, s’est rendue plusieurs fois à Téhéran sans succès, puisque à chacune de ses visites les responsables iraniens l’ont redirigée vers leurs alliés libanais, à savoir le Hezbollah, et vers les leaders chrétiens. L’Iran se défend en affirmant vouloir traiter ce dossier en « unifiant l’approche chrétienne » de l’échéance présidentielle et c’est d’ailleurs ainsi que le Hezbollah et ses alliés chrétiens ont jusque-là justifié leur boycottage de la séance électorale de la Chambre.
Le bilan n’est guère plus positif côté français puisque le président François Hollande – ayant abordé le dossier présidentiel libanais avec son homologue iranien Hassan Rohani – s’est vu rétorquer qu’il s’agissait là d’un dossier « libanais » et que Téhéran appuie le candidat sur lequel les chrétiens se mettraient d’accord.
Selon un responsable américain, s’il est vrai que le blocage présidentiel est un problème libanais, toujours est-il qu’il est éminemment chrétien. En effet, après l’annonce de la liste des quatre candidats validés par Bkerké, et après les nombreux efforts fournis par les chancelleries occidentales y compris le Vatican pour amener M. Aoun à mettre un terme à ses ambitions présidentielles, la situation demeure au point mort, notamment parce que Michel Aoun estime que la conjoncture régionale évolue de plus en plus en sa faveur.
Aujourd’hui, l’important pour l’administration américaine, c’est que l’élection ait lieu, et qu’elle porte à Baabda un candidat de consensus validé par toutes les composantes politiques. La France est par ailleurs le seul pays à se soucier réellement de l’échéance présidentielle de par, principalement, les relations historiques qui la lient au Liban. C’est pourquoi le Quai d’Orsay va continuer à fournir des efforts dans ce sens. Des informations faisant état d’une liste restreinte de noms d’éventuels « présidentiables » circulent actuellement. Il s’agirait de personnalités indépendantes dont l’identité pourrait être dévoilée si la 37e séance électorale s’annonce tout aussi stérile que les précédentes. Il serait également possible de prendre en compte la proposition du ministre Boutrois Harb tendant à se donner un mois pour se mettre d’accord sur un candidat, à la suite de quoi les députés devront se rendre au Parlement.
À Beyrouth, il apparaît que les différentes parties en présence, y compris la composante chiite, penchent de plus en plus vers une issue à la vacance présidentielle. En effet, le Hezbollah se sentirait quelque peu « cerné » par la récente décision du Congrès américain de combattre ses sources de financement et celle du Conseil de coopération du Golfe le qualifiant d’organisation terroriste, et l’élection présidentielle constituerait une occasion pour lui de négocier à la hausse sa position au sein de l’échiquier politique. Ainsi, il ne faudrait pas prendre à la légère la récente déclaration de l’ancien Premier ministre Saad Hariri qui a affirmé que « l’échéance présidentielle est plus proche qu’on ne le pense ».
S’abonner
0 Commentaires
Le plus récent