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Peut-on réformer l’islam sans toucher à ses fondements ?

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 Le philosophe avance les conditions d’une réforme de l’islam de France qui soit compatible avec la République.

Si la République providence offre aux musulmans son école, ses soins médicaux et d’autres avantages sociaux, Allah leur assure la vie après la mort et par-delà la mort, un Éden charnel, ésotérique et même érotique. Entre ce que donne la République ici-bas et ce que promet Allah dans l’au-delà, le combat est donc inégal.

On demande aux musulmans de France de défendre leur patrie, mais la majorité des Français la défende-t-elle suffisamment ? Jusqu’aux derniers attentats, l’hymne national n’avait pas droit de cité dans les écoles, encore moins dans les banlieues autarciques de la République. Dans les écoles précisément, Voltaire doit manger halal pour que sa philosophie soit digeste pour certains. Alors que la Nation était une âme pour Renan, elle est devenue une nationalité, un passeport convoité pour ce qu’il procure et non pour ce qu’il incarne.

Faute d’assimiler les musulmans de France, on a fini par intégrer à la République un islamisme exogène, incompatible avec aussi bien les valeurs laïques de l’État que les fondements humanistes de la civilisation occidentale. En trente ans d’entrisme islamo-trotskiste et de prosélytisme sournois, l’islam est aujourd’hui sous le contrôle de l’UOIF, qui est une ramification des Frères musulmans, qui sont placés sous la chefferie de Youssef Qaradaoui, dont le discours ne laisse aucun doute quant à ses ambitions : « Avec vos lois démocratiques nous vous coloniserons. Avec nos lois coraniques nous vous dominerons. » Est-ce avec les ouailles de cet intégriste qu’on va réformer l’islam ?

Réformer l’islam, cela fait des années que de belles âmes occidentales y appellent et que des intellectuels musulmans s’y attellent. Traumatisés par les dernières abominations terroristes, des responsables politiques de gauche comme de droite, jusqu’alors laxistes et islamophiles, ont signifié aux représentants de l’islam de France l’impératif catégorique de procéder d’urgence à la réforme de leur religion. Et aux zélotes de l’islamisme de répondre favorablement à cet appel républicain, subitement conforme aux préceptes coraniques !

Mais qu’entendent-ils au juste par réforme urgente, et d’abord peut-on réformer dans l’urgence une doctrine vieille de quatorze siècles ? Peut-on séculariser un islam communautariste, qui a mis trente ans avant de s’imposer aux musulmans de France, voire à toute une société fragilisée par trois siècles de pernicieuse déchristianisation et submergée par un néopaganisme et un hédonisme effréné ? On peut réformer dans l’urgence le Code du travail, ou celui de la famille, ou encore la législation sur la protection d’une espèce rare de crapauds, mais il est difficile de procéder de la sorte lorsqu’il s’agit de toucher à une croyance nécrosée et névrosée, qui a été réfractaire à toutes les expériences de sécularisation. De la Nahda (renaissance), initiée au XIXe siècle par des philosophes musulmans éblouis par les Lumières françaises, jusqu’aux réformes les plus audacieuses d’un Atatürk ou d’un Bourguiba, toutes les tentatives d’adaptation de l’islam à la Modernité ont lamentablement échoué, y compris en Turquie et en Tunisie où les Frères musulmans sont au pouvoir.

Afin que la réforme de l’islam ne soit pas un slogan ou un vœu pieux, il va falloir nommer l’innommable et dire l’indicible : ils ont fait d’Allah un Moloch, de Mohammed un sanguinaire, du Coran un manuel politique, de la charia un tract djihadiste, et de l’islam une nationalité plutôt qu’une communauté de foi. Déjà au début du siècle dernier, l’égyptien Ali Abderrazek poussait ce cri de détresse : « Oh Prophète de l’islam, ils ont fait de toi un roi car c’est la seule divinité qu’ils respectent ! »

Pour en assurer l’impact psychologique et en garantir les effets sociologiques, culturels, politiques et sécuritaires, la réforme en question doit d’abord considérer que l’islam est une religion qui s’inscrit dans la continuité du monothéisme judéo-chrétien, et que sa déviance, l’islamisme, est une religion séculière qui s’inscrit dans la continuité totalitaire du nazisme et du communisme. Cette distinction n’est pas un écho au stupide « pas d’amalgame », car il existe bel et bien un lien de causalité entre islam, islamisme et terrorisme ; mais elle répond à une vérité historique indéniable.

Si on la veut profonde et pérenne, cette réforme de l’islam, que seules les autorités intellectuelles et spirituelles musulmanes peuvent entreprendre, doit répondre aux impératifs suivants :

L’immanence du corpus coranique. En d’autres termes, déclarer le Coran – à l’instar de nos illustres Mutazilites – Texte crée par l’esprit de l’homme et non guère dicté par Dieu.

La contextualisation des versets coraniques problématiques. Autrement dit, juger caduques les exégèses traditionnelles et adopter l’herméneutique, qui consiste précisément à expliquer le Texte par le contexte.

La désacralisation intégrale de la Sunna et de la charia qui lui est consubstantielle. C’est-à-dire déclarer nulle et non avenue toute cette littérature théologico-normative qui remonte au IIe siècle de l’islam et qui est par conséquent totalement incompatible avec la Modernité.

La disjonction du théologique et du politique, qui n’est pas seulement une exigence de la modernité mais aussi une tendance intrinsèquement coranique, nonobstant tous les stéréotypes essentialistes que l’on entend depuis des années si ce n’est des siècles sur le prétendu lien indissociable du temporel et du spirituel dans la religion , « mahométane », à l’inverse du christianisme qui serait ontologiquement laïque en raison du « Rendez à César »… La révision de fond en comble du sempiternel dialogue des religions qu’on a fondé sur la fraternité abrahamique et sur la Tolérance, et dont on mesure les conséquences miraculeuses aujourd’hui, aussi bien en Orient d’où les chrétiens sont expulsés ou massacrés, qu’en Occident, où les musulmans affluent de partout alors qu’ils sont de moins en moins tolérés. Désormais, c’est sur la connaissance plutôt que sur la tolérance qu’il faudrait asseoir le dialogue des religions. La connaissance de l’autre (le juif et le chrétien) dans ce que l’autre pense de lui-même, c’est-à-dire dans ses propres Textes fondateurs.

Telles sont les conditions d’une réforme globale et stratégique de l’islam de France, si on le veut compatible avec la République et au diapason de la Modernité. Quant à la réorganisation des musulmans en France, elle est désormais du ressort de Jean-Pierre Chevènement qui, pour en avoir été l’un des précurseurs, connaît bien le dossier… ses écueils et ses aléas !

MEZRI HADDAD, philosophe, directeur du Centre international de géopolitique et de prospective analytique de Paris (CIGPA)

Le Figaro

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