Les Opérations de la Coalition des pays du Golfe au Yémen: L’offensive terrestre

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La coalition dirigée par l’Arabie Saoudite a mené une campagne dynamique, mais toutes les actions constituent à ce jour un prélude à des combats plus difficiles à venir si la coalition lance un assaut sur Sanaa et sur la région proprement Houthi.

Le 26 Mars marque un an depuis que la coalition des pays du Golf a commencé les opérations militaires au Yémen pour défendre le gouvernement assiégé du président Abdu Rabu Mansour Hadi, qui avait été forcé de fuir le pays face aux offensives des milices Houthi et de leurs alliés. Cet anniversaire fournit un moment opportun pour examiner les réussites et les échecs de la coalition dans chaque phase de la guerre. La première partie traite de la campagne terrestre; la deuxième partie examine la campagne aérienne, et une troisième partie traite de l’effort de blocus naval.

Peu après que les forces spéciales des Emirats Arabes Unis (EAU) et saoudiennes ont d’abord été observé dans le combat d’Aden, la campagne de la coalition du Golfe renforce la ville portuaire comme base pour le gouvernement du président Hadi en mai et Juin 2015. A partir de juillet, ses forces ont lancé une offensive plus large durant laquelle les colonnes blindées avec à leur tête des forces émirati ont frappé en direction du nord et vers la base aérienne d’al-Anad – l’ancienne installation de lutte contre le terrorisme américano-yéménite située à vingt-cinq kilomètres au nord d’Aden – et Taiz, troisième plus grande ville du Yémen, et aussi à l’est vers Zinjibar, la capitale de la province d’Abyan.

LES OFFENSIVES D’AUTOMNE

L’automne dernier, la coalition du Golfe a ouvert plusieurs fronts dans la guerre contre les Houthis et leurs alliés du clan Afaash de la tribu Sanhan, qui soutient l’ancien président déchu Ali Abdullah Saleh. Ces fronts comprennent:

Le front de l’Est à Marib. À la mi-Septembre, un groupe de combat composé de deux brigade comprenant un bataillon blindé émirati, plus des forces mécanisées bahreïni, saoudiennes, qatari et égyptiennes s’est lancé à partir d’une nouvelle base opérationnelle avancée (FOB) à la piste d’atterrissage de la raffinerie Safir dans la province de Marib et vers la ville de Marib. La force de frappe avança de 50 kilomètres en deux semaines pour conquérir la ville et le barrage de Marib, à 110 kilomètres à l’est de Sanaa, avant de s’embourber face à la résistance accrue des Houthis et des unités de l’armée yéménite toujours loyale à l’ex-président Saleh dans les zones désertiques rocheuses et montagneuses entre la ville de Marib et Sanaa.

L’offensive de Bab al-Mandeb. Début octobre, une deuxième force de frappe de la coalition du Golfe a lancé une puissante offensive à longue portée d’Aden vers le détroit de Bab al-Mandeb. Ce groupe de combat du sud qui avançait vers Bab al-Mandeb inclus une batterie émirati des obusiers automoteurs, un bataillon de véhicules blindés MRAP (véhicules blindés conçus pour résister aux engins expolsifs improvisés et aux embuscades), et une force d’intervention mixte composée de plusieurs compagnies, comprenant une compagnie émirati de chars Leclerc  et des unités mécanisées saoudiennes et bahrénis, qui avançaient grâce à un appui intense des avions et des hélicoptères d’attaque. La force de frappe a rencontré peu de résistance lors de sa rapide avancée de 160 kilomètres d’Aden à Bab al-Mandeb. A partir de la deuxième semaine d’octobre, les Houthis et les forces de l’armée yéménite qui tenaient le détroit s’étaient retirés. Après avoir occupé le détroit, cette force de frappe poussa vers le port de Mokha à vingt-cinq kilomètres au nord. les opérations de ratissage ont continué jusqu’à l’automne, avec des frappes aériennes saoudiennes et égyptiennes et des frappes de l’artillerie navale en support des opérations de débarquements navals et d’hélicoptères pour nettoyer les îles de la mer Rouge.

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PARTAGE DES OPÉRATIONS DE COMBAT

Quand les progrès au nord de Bab al-Mandeb et à l’ouest de Marib se sont arrêtés à la mi-octobre, la guerre est devenue plus statique. Les forces loyales au président Hadi avec des milices tribales ont cherché à briser le siège Houthi de Taizz mais ils se sont enfermés dans des combats à bascule dans les provinces de Taizz, Dhale et  d’al-Bayda. La coalition du Golfe a utilisé cette période pour passer d’un rôle de combat terrestre à haute visibilité à la formation et au soutien des forces yéménites sur le champ de bataille, comme suit:

Développement d’une base de soutien aérien de proximité au Yémen. À la mi-Octobre, la coalition du Golfe avait développé la base aérienne al-Anad en une base opérationnelle avancée, une base de soutien aérien de proximité et en une base d’entrainement pour la nouvelle armée nationale yéménite (ANY). Cette base était protégée par la 6e brigade aéroportée et la 64e brigade des forces spéciales saoudiennes ainsi que des forces terrestres émiratis. Un escadron d’Apache AH-64D saoudien et des hélicoptères légers d’attaque Bell 407 émiratis ont aussi été déployés à Al-Anad. En tandem, l’armée de l’air émirati a déployé à Al-Anad un avion de frappe léger AT-802 pour l’entrainement des pilotes qui seront le noyau d’une nouvelle force aérienne yéménite. À la fin Octobre, des avions yéménites avaient commencé à fournir un appui aérien rapproché aux forces loyales au président Hadi à Taizz et à al-Bayda.

Une mission d’entrainement et d’équipement à grande échelle. A partir d’octobre, des forces de l’Armée Nationale Yéménite (ANY) composé des unités militaires loyales au président Hadi et des milices du « comité de résistance populaire » et des recrues somaliennes et érythréenes ont commencé leur formation à al-Anad et à la base militaire voisine de Labouza. A partir de mars 2016, huit brigades de ANY entrainées équipées par la coalition du Golfe étaient  déjà opérationnels: la « Brigade de la Résolution de Salman » formée à Aden en Septembre 2015, plus que le 1er, 2e, 3e, 4e, 19e, et 22e brigades d’infanterie, et le 14e Brigade Blindée, ainsi que des forces spéciales non spécifiées et des unités d’infanterie de marine.

Base et forces érythréennes. En mai 2015, l’Arabie saoudite et les Émirats Arabes Unis ont conclu un nouvel accord de partenariat militaire et sécuritaire avec l’Erythrée permettant à la coalition du Golfe d’utiliser le territoire de l’Erythrée, son espace aérien et ses eaux territoriales pour les opérations au Yémen. L’accord comprend également un bail de trente ans pour le port d’Assab, sur la côte de l’Erythrée, comme base navale logistique pour les forces émiratis. Depuis Septembre, les Emirats ont utilisé Assab comme un base de lancement pour des opérations amphibies contre les îles yéménites de la mer Rouge et, dès novembre, ont commencé à lancer des raids aériens sur le Yémen à partir de l’aéroport international d’Asmara – des raids qui sont devenus possibles grâce à un accord avec le gouvernement érythréen pour remettre l’aéroport en état. Quatre cents soldats érythréens ont également été embauchés pour servir au sein des forces émiratis combattant au Yémen.

Une force soudanaise pour Aden. À la mi-Octobre, des navires émratis ont transporté deux bataillons soudanais équipés de véhicules blindés BTR-70 de Assab à Aden. Les unités soudanaises ont assumé la responsabilité de la sécurité à Aden alors que les forces des Emirats se sont retirées à leurs bases. Un troisième bataillon est arrivé le 7 Novembre pour assurer la sécurité à la base al-Anad, ce qui porte la présence soudanaise dans le pays à la taille d’une brigade de deux mille hommes.

LE FRONT INSTABLE DU NORD

L’aspect le moins réussi de la coalition du Golfe a toujours été les combats le long de la frontière saoudienne au Yémen. Tout au long de la guerre, les forces Houthi et les anciennes unités de l’armée yéménite fidèles à l’ex-président Saleh ont intensifié leurs attaques transfrontalières dans les zones sud d’Arabie-Saoudite de Asir, Jizan et Najran. L’ampleur du problème pour l’Arabie Saoudite est alarmante: ce qui a commencé à la fin de l’été 2015 comme des embuscades de convois et des attaques contre des petits forts des frontières s’est développé en incursions d’envergures. Alors que des avant-postes frontaliers isolés avaient été brièvement envahies en Août, maintenant des parties des villes frontalières saoudiennes dépeuplées ont été occupées et des grands quartiers généraux de la Garde frontière saoudienne tenue assez longtemps pour être démoli.

Le défi tactique posé par les forces Houthi et les forces loyales à Saleh rappelle les guerres de frontières du Hezbollah libanais contre Israël. Au cours des six derniers mois, des groupes équipées des missiles 9M113 Konkurs, 9M133 Kornet-E, et Toofan fournis par l’Iran ont éliminé une soixantaine de chars et autres véhicules saoudiens, plus d’une douzaine de postes frontaliers et de tours d’observations, permettant à des groupes d’infanteries de la taille d’escadrons et de pelotons de mener des raids transfrontaliers persistants. Des unités d’artillerie yéménites loyales à Saleh ont bombardé des bases saoudiennes et des garnisons d’arrière-zone avec des roquettes des 220 mm BM-27 Uragan et ont isolés des bases saoudiennes par le lancement des mines antipersonnel sur leurs routes de renfort. Pendant ce temps, face à leur pertes lourdes infligées par des attaques aériennes saoudiennes, les infiltrés Houthi ont cherché à utiliser des systèmes de défense aériens individuels (MANPADS) pour éloigner les hélicoptères d’attaque saoudiens.

UNE NOUVELLE OFFENSIVE CONTRE SANAA?

Après une période de réinitialisation, la coalition du Golfe semble revigorer ses plans offensifs dans le nord du Yémen par les actions suivantes:

Mouvement d’encerclement sur la côte de la mer Rouge. Au début de Janvier 2016, des marines saoudiens et des troupes yéménites ont débarqué au port de Midi près de la province yéménite Hajjah à proximité de la frontière saoudienne. En Février, ils se sont lancés à partir de leur tête de pont  vers la ville de Hajjah à l’intérieur. les forces de la coalition du Golfe ont également commencé une avancée vers le nord de Bab al-Mandeb vers le port de Mokha pour isoler Taizz par l’ouest.

Relief de Taizz. Les offensives de la côte de la mer Rouge ont été suivis par une grande offensive pour soulager le siège Houthi de Taizz. La 22e Brigade loyale à Hadi  – formé à la base aérienne al-Anad – et des milices du Parti Islah (Frères Musulmans) et des comités de résistance populaire tribales ont défait le cordon Houthi par l’ouest et ont soulagé la ville assiégée.

Menace d’une nouvelle attaque contre Sanaa. A compter de décembre 2015, la coalition du Golfe a lentement avancé vers Sanaa par le billet des unités de l’armée yéménite (ANY) formés et équipés par les saoudiens et des milices tribales locales réalimentées par parachutages. Le 20 Décembre, les parachutistes saoudiens ont été parachutés dans le district de Nihm dans la province orientale de Sanaa, ce qui permet des avancées des forces loyales à Hadi et des milices locales le long de la route nord reliant Sanaa à Marib. La base de la Garde républicaine à Beit Dahrah, à vingt kilomètres de la banlieue de Sanaa, est tombé le 21 Décembre et le 24 Février des milices soutenues par des frappes aériennes saoudiennes et émiraties défait deux brigades de l’armée yéménite pro-Saleh et ont capturé la base de la brigade blindée 312 à Fardhat Nihm après un siège de deux semaines. Le 24 Février, des forces pro-Hadi ont pris le Camp Arqub, une grande base militaire à une quarantaine de kilomètres au sud-est de Sanaa, ce qui permet d’encercler la capitale par l’est.

Arrivée de nouvelles forces offensives. Les indicateurs récents donnent à penser que les forces de la coalition du Golfe se préparent à relancer l’offensive,  en entreprenant des opérations offensives simultanées dans plusieurs provinces. Notamment, un bataillon mécanisé émirati accompagné de chars Leclerc est arrivé récemment dans la ville d’Aden.

ÉVALUATION DE LA CAMPAGNE

Comme l’analyste militaire Tom Cooper l’a noté, la coalition du Golfe avait sous-estimé de nombreux facteurs adverses: la résilience de la loyauté de l’armée yéménite pro-Saleh et des Houthis, les effets du terrain, les capacités de combat des Houthis et les complications posées par Al-Qaïda de la péninsule arabique et les opérations de l’État Islamique dans les zones libérées du sud du Yémen. Face à ces défis, la coalition du Golfe a gelé ses principaux plans offensifs et a étendu ses forces disponibles grâce à un important effort de formation et d’équipement. Malgré leur supériorité numérique considérable, les Houthi et les unités de l’armée yéménite ont été contraints de se retirer lentement vers Sanaa et vers le nord du Yémen. La campagne terrestre a été jusqu’ici un succès mitigé: il a rétabli le gouvernement de Hadi à Aden, a arraché Taizz aux Houthis, et a mis la pression sur Sanaa et en même temps sur les ports sur lesquels les Houthis comptent pour le réapprovisionnement.

La question est maintenant de savoir si les succès remporté à la périphérie des régions précédemment contrôlées par les Houthis peuvent être répliqués dans les zones centrales de la ville de Sanaa et dans la province de Saada. De nombreuses indications donnent à penser que les forces Houthis et les forces pro-Saleh ont réservé leurs meilleures unités et moyens dans ces régions centrales et que la campagne jusqu’à présent a été en grande partie un prélude, une action dilatoire, anticipant la bataille principale dans le nord du Yémen. Cela souligne l’importance de la cessation des conflits par la médiation internationale avant que la coalition du Golfe ne commence un assaut sur Sanaa ou sur les régions Houthi à Saada, ce qui serait très difficile sur le plan militaire et pourrait se traduire par un conflit prolongé avec de lourdes pertes civiles.

Alexandre Mello est analyste principale de la sécurité au service consultatif d’énergie Client Access Horizon.

Michael Knights est un Lafer Fellow à la Washington Institute.

Traduction par Shaffaf

Gulf Coalition Operations in Yemen (Part 1): The Ground War

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