Le duo chrétien effraie de plus en plus la « nouvelle opposition »

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 La situation se corse entre les deux formations chrétiennes, le Courant patriotique libre et les Forces libanaises, d’une part, et de l’autre, les Kataëb et les Marada qui, à l’instar du bloc du président de la Chambre, Nabih Berry, ont refusé de voter en faveur de Michel Aoun à la présidence de la République.

 

Les deux formations chrétiennes minoritaires ne sont d’ailleurs pas rassurées par l’attitude affichée par le tandem CPL-FL dans les tractations pour la formation du gouvernement et craignent une volonté tacite de les marginaliser et les écarter du gouvernement à venir. C’est l’écho répercuté dans les milieux des Marada et des Kataëb qui estiment que l’appel lancé par le chef des FL, Samir Geagea, pour la mise en place d’un « gouvernement de majorité », constitué par tous ceux qui ont voté en faveur de M. Aoun, n’a rien d’innocent.

Dans les milieux des Marada plus particulièrement, on estime que le souhait exprimé par le leader des FL dissimule une volonté de les écarter. Elle serait également partagée par le CPL qui aspirerait, avec les FL, à monopoliser la représentation chrétienne par le biais du partage des portefeuilles ministériels alloués aux chrétiens.
Commentant l’alliance CPL-FL, le président du PNL, Dory Chamoun, ironise : « Avant, ils nous divisaient, à présent, ils nous partagent. »

Dans les milieux des Marada et des Kataëb, on reconnaît toutefois que le Premier ministre désigné, Saad Hariri, et M. Berry ont tenté de contrer ces tentatives de marginalisation en insistant sur la participation de tous. Le président de la Chambre a même été jusqu’à affirmer qu’il pourrait « reconsidérer sa position à l’égard du gouvernement », comme l’ont fait entendre ses visiteurs, si les Marada n’obtiennent pas satisfaction. La formation présidée par Sleiman Frangié aspire notamment à un portefeuille dit de « services », plus précisément celui de l’Énergie ou des Travaux publics, et refuse de se voir octroyer le ministère de l’Éducation.

Or les choses sont compliquées par le fait que le maroquin de l’Énergie a été promis au CPL qui y a désigné l’un des conseillers de son leader, Gebran Bassil, le ministère des Travaux publics ayant par ailleurs été réservé à Maroun Hélou, un ingénieur désigné par les FL, sachant qu’au départ, ce portefeuille faisait partie de la quote-part destinée à M. Berry qu’il devait cumuler avec celui des Finances.
(Lire aussi : L’esprit de chicane trouble les rapports Berry-Aoun)

Dans l’entourage des Marada et des Kataëb, on parle désormais d’un climat hostile qui prévaut depuis quelque temps entre Baabda et eux. Pour les milieux du CPL et des FL, l’attachement de Nabih Berry à faire participer les Kataëb et les Marada au prochain gouvernement, en plus du PSNS et du Parti démocrate libanais de Talal Arslane, cache une arrière-pensée. Le président de la Chambre chercherait ainsi à rassembler, dans le cadre d’un front, toutes les composantes de l’opposition qui n’ont pas élu M. Aoun.

M. Berry fait prévaloir l’idée qu’elles ne doivent pas être écartées de la nouvelle équipe gouvernementale, encore moins du mandat de Michel Aoun, d’autant que la plupart d’entre elles sont des protagonistes majeurs du camp du 8 Mars. Mais l’argument ne convainc pas le CPL et les FL. Le tandem chrétien estime en effet que l’échange acerbe entre MM. Aoun et Berry qui se sont respectivement lancé hier des accusations – le premier ayant fait assumer au chef du législatif la responsabilité de la double prorogation du mandat du Parlement, le second, celui de la paralysie, deux années durant, de la présidentielle – n’augure pas d’un climat positif, encore moins d’une détente entre Baabda et Aïn el-Tiné.

(Lire aussi : Pour sa première sortie officielle, le président Aoun se rend à Bkerké)

Les milieux du CPL et des FL assurent d’ailleurs qu’en s’attachant à consacrer un ministère à chacune des formations de la nouvelle opposition, M. Berry ambitionnerait de diriger un bloc ministériel conséquent qui puisse lui assurer le tiers de blocage, notamment lors du vote relatif aux dossiers importants en Conseil des ministres.

Ce nouveau front politique serait d’autant plus utile au président du Parlement que la polarisation entre 8 et 14 Mars n’existe plus et que le jeu des alliances a radicalement changé aujourd’hui. Le locataire de Aïn el-Tiné chercherait surtout à consolider son camp pour pouvoir affronter les positions défendues par l’alliance CPL-FL, plus particulièrement en matière de loi électorale, M. Berry étant en faveur de la proportionnelle. Un choix destiné à contrer celui du courant du Futur en faveur d’un projet mixte (la proportionnelle avec une dose de majoritaire). Selon des observateurs, les élections auront lieu sans aucun doute à la date prévue, mais sur la base de la loi de 1960 qui sera légèrement amendée pour l’occasion puisque la nouvelle équipe n’aura pas suffisamment de temps pour se mettre d’accord sur un nouveau texte de loi. Elle sera principalement occupée à mettre en place l’organisation des élections.

Le duo CPL-FL commence d’ores et déjà à inquiéter non seulement M. Berry et les Marada, mais également le Hezbollah. Ce dernier craint une application à la lettre du discours d’investiture prononcé par le président, d’où la parade militaire à Qousseir, une démonstration de force qui devrait être interprétée comme une réaction concrète aux grandes lignes définies dans le discours d’investiture même si le parti chiite jure qu’elle est uniquement adressée à Israël et aux jihadistes.

L’Orient Le Jour

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