Laurent Fabius remet les pendules à l’heure

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Laurent Fabius entouré de son équipe, pendant une réunion bilatérale entre les représentants français et iraniens. © Pierre Terdjman
Par François de Labarre

Dans une interview à Paris Match, le ministre des Affaires étrangères explique sa position de «dur» dans les négociations sur le nucléaire iranien.

Alors que les négociations qui durent depuis dix ans devraient toucher à leur fin, les pressions se multiplient sur les équipes qui négocient à Vienne. D’un coté, les Américains rêvent d’un accord pour conclure sur une note positive le quinquennat Obama, de l’autre les voisins de l’Iran tirent la sonnette de d’alarme. Souvent accusé d’être sur la ligne de ces derniers, notamment dans un article publié aujourd’hui dans le Point consacré à «l’homme de fer contre l’Iran». En marge de son déplacement samedi dernier à Vienne, Laurent Fabius nous a expliqués sa version. «Ce n’est pas une affaire personnelle». Nous ne sommes pas «durs», nous sommes cohérents. L’Iran est un grand pays et les Perses une grande civilisation. Mais pour ce qui est de la négociation, il faut être clair: le nucléaire civil oui, l’arme nucléaire non ! Si on veut éviter la prolifération nucléaire, l’accord doit être robuste. Sinon, cette prolifération aura lieu et ce sera très dangereux pour tout le monde.»

L’article du Point reproche à Fabius d’avoir «rompu le secret des négociations» en énonçant devant la presse ses « trois conditions indispensables » à un accord… Un secret de polichinelle puisque ces trois points sont connus de tous, notamment depuis la signature du pré-accord de Lausanne. «Si ces trois points ne sont pas réglés, explique-t-on au Quai d’Orsay, chacun sait que cet accord non seulement sera dénoncé par les pays du golfe, Israël, mais aussi par les Américains eux-mêmes y compris le rang des démocrates, par l’Onu et l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) dont le directeur général Yukyia Amano a expliqué qu’il ne serait pas en mesure alors de garantir la non prolifération dans la région.»

L’un des membres de la délégation française à Vienne nous a expliqué que la position jugée «dure» des tricolores se justifiait par… leur compétence. «On ne va pas être chauvin, mais s’il y a un domaine que nous maitrisons bien et tout le monde le reconnait, c’est le nucléaire, donc il est normal qui nous soyons plus exigeants que les autres.»

Cet accord permettrait à Obama d’éclipser le bilan désastreux en politique étrangère de son second mandat

Outre, l’équipe de diplomates qui entoure le ministre, deux experts du Cea participent aux négociations. Coté américain, John Kerry afficherait la même exigence que Fabius. «Il n’a aucune envie de conclure un accord qui ne soit pas verrouillé», explique un proche du Français. Seulement l’Américain doit faire face à l’empressement de Barack Obama pour qui cet accord lui permettrait d’éclipser le bilan désastreux en terme de politique étrangère de son second quinquennat au cours duquel ont émergé plusieurs conflits et le premier état terroriste de l’histoire moderne. John Kerry se trouverait dans une position bien délicate si son équipe venait à estimer que les conditions d’un accord ne seraient remplies aux termes de cet ultime round de négociation. Selon le journal iranien Hamshahri, le Président américain aurait déjà annoncé au guide suprême Ali Khamenei son intention de lever les sanctions…

Toute la question dans les jours qui restent est de ne pas «politiser» le débat. La levée des sanctions provoquerait automatiquement la réhabilitation de l’Iran et la réinjection de 150 milliards de dollars dans son économie, mais ce n’est pas la question traitée à Vienne. «Il faut raisonner froidement», explique un proche du ministre. «L’objectif de l’accord, a rappelé Laurent Fabius, est d’éviter la prolifération nucléaire à la fois en Iran et dans le reste de la région. Si l’Iran était doté de l’arme nucléaire, non seulement cela constituerait un danger, mais cela amènerait d’autres à faire de même.» Le ministre français reconnaît que beaucoup d’éléments ont avancé mais que ces accords «ne sont pas bouclés». Réponse attendue en début de semaine prochaine.

Paris Match

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